On a testé… « Assassin’s Creed Origins », morts sur le Nil
On a testé… « Assassin’s Creed Origins », morts sur le Nil
Par Damien Leloup
Le dernier épisode de la saga propose une plongée convaincante dans l’Egypte antique.
Qui es-tu, Bayek ? Le héros du nouvel épisode de la saga Assassin’s Creed, qui se déroule dans l’Egypte antique, est par certains égards plus mystérieux que ses prédécesseurs. Alors certes, sans grande surprise, Bayek est un assassin. Au fil de l’aventure qui le mènera dans toute l’Egypte, il tue. Beaucoup. Par vengeance. Pour la justice. Pour se sortir d’une situation difficile. Pour piller un trésor, résoudre une énigme, libérer un prisonnier, protéger un village, sauver la veuve, l’orphelin, ou l’Egypte.
Mais Bayek est aussi et surtout – tous les personnages qu’il croise sur sa route le lui rappellent – un Medjaÿ. Pour les joueurs et joueuses peu versé(e)s dans l’histoire égyptienne, cela ressemble fort à un rôle compris entre celui du chevalier servant et celui du samouraï. Dans l’Egypte antique, le Medjaÿ est un peu tout cela – le mot désigne un peuple du Soudan qui a fourni des bataillons de soldats à l’armée égyptienne. Avant de désigner, au Moyen Age, un policier. Vous l’ignoriez ? Nous l’ignorions tous. Bienvenue dans le plus pédagogue des Assassin’s Creed, un rêve d’enseignant, qui vous apprend des choses incroyables sans que vous vous en rendiez compte.
Assassin's Creed Origins - Trailer de gameplay : Jeux de pouvoir. Gamescom 2017 [OFFICIEL] VOSTFR HD
Durée : 02:15
Assassin’s Creed : Origins démarre assez classiquement par une enquête, qui mène le héros et sa femme Aya, elle aussi une redoutable guerrière, sur la trace des responsables de la mort de leur fils. Une quête qui les amènera à découvrir des complots au sein de complots, emboîtés comme des poupées russes, et à croiser le bas peuple du Delta du Nil comme à rencontrer Cléopâtre.
Les habitués d’Assassin’s Creed ne seront pas surpris : malgré quelques changements (dont la présence d’un faucon qui permet de repérer ses cibles), le jeu garde tous les éléments classiques de la série. On court sur les toits, on exécute plus ou moins discrètement gardes et ennemis, et chaque mission ou presque vous laisse le choix entre l’option furtive (assez souvent recommandée) ou l’option agressive (quand vous êtes certain d’avoir l’avantage). Bayek court, saute, se cache avec aisance, tel un champion de parkour qui s’entraînerait quotidiennement sur des pyramides.
Monde ouvert et hostile
Plus qu’un policier, votre héros est une sorte de Robin des bois des sables : si hors de la quête principale, l’on est bien sûr libre de refuser ou d’accepter toutes les demandes d’aide, il est quasiment impossible de gagner suffisamment d’expérience pour poursuivre sa mission sans accepter tout un tas de missions secondaires. Des plus nobles – sauver un vieil homme torturé par des bandits – aux plus… étranges, comme cette enquête chez les vendeurs de faux chats morts embaumés. Parfois répétitives, ces quêtes secondaires sont aussi celles qui offrent les meilleures occasions d’explorer dans le détail les villes et villages du jeu.
Le plongeon dans l’antiquité a tout de même quelques conséquences, avec notamment un peu moins de gadgets étranges que dans les derniers épisodes. Et surtout, l’omniprésence d’animaux passablement hostiles, du cobra au crocodile, dont les peaux fourniront des ingrédients indispensables pour améliorer votre inventaire. Dans Origins, la chasse n’est pas totalement une activité optionnelle… Cela vous rappelle une autre licence Ubisoft, à savoir Far Cry ? C’est normal. Tout comme le faucon qui vous accompagne fonctionne un peu sur le même modèle que les drones de Watch Dogs 2 ou de Ghost Recon : Wildlands. Assassin’s Creed : Origins fait une sorte de synthèse – plutôt réussie, et malgré quelques légers bugs – d’éléments introduits dans d’autres jeux de l’éditeur.
Mais c’est aussi l’un des principaux défauts du jeu : Assassin’s Creed a un peu perdu de sa singularité, au fur et à mesure que ses innovations étaient reprises par d’autres, et qu’il intégrait à son tour les éléments d’autres licences. Un sentiment renforcé par une interface inutilement alambiquée, remplie d’options et de ressources différentes à gérer, et que l’on doit visiter beaucoup trop souvent. Ce qui brise quelque peu l’immersion que procurent les mouvements fulgurants de Bayek lorsqu’il se glisse discrètement dans une tour remplie de gardes pour assassiner d’un seul coup d’épée un chef militaire tyrannique. Tout comme quelques choix étranges d’ergonomie – la conduite d’une charrette à bœufs ou d’un char, obligatoire pour certaines missions, devient assez vite un cauchemar si vous avez le malheur de vous engager dans une ruelle étroite.
Petites quêtes et grande Histoire
Du côté des points forts, en revanche, la reconstitution de l’Egypte antique proposée par le jeu est splendide, y compris sur consoles « classiques » – le jeu dispose de graphisme amélioré sur la Xbox One X de Microsoft. Rentrer comme n’importe quel badaud dans la bibliothèque d’Alexandrie, escalader une pyramide, visiter les bains publics, admirer le sphinx de Gizeh, se perdre au coucher du soleil dans les roseaux du Nil, ou retrouver en plein désert les ruines d’un temple perdu… On s’y croirait presque, notamment parce que la galerie de personnages secondaires offerte par le jeu est particulièrement réussie. Embaumeurs, gamins des rues, marchands cupides, prêtres plus ou moins fous, le jeu offre un vaste panorama de la société égyptienne de l’époque.
La bibliothèque de Memphis, reconstituée dans le jeu.
Et c’est là, surtout, qu’Assassin’s creed : Origins révèle sa véritable originalité. En plongeant ses joueurs dans une période et une civilisation totalement méconnues de la plupart, il parvient à ne pas se transformer en cours magistral d’histoire, sans non plus tomber dans l’excès inverse de simplification à outrance. Lorsque Bayek se rend à Alexandrie, la ville au double héritage grec et égyptien, c’est son environnement qui lui montre à quel point le racisme anti-Egyptien y fut vivace chez les élites grecques. Aucun tutoriel, aucun grand discours n’explique au joueur le chaos qui eut lieu sous les règnes de Ptolémée XII et XIII : c’est en parlant avec des paysans rançonnés par les soldats ou des marchands abandonnés aux bandits que l’on comprend à quel point l’Egypte de l’époque est à la limite de l’anarchie.
On finit même par se surprendre à détester Pompée, à se méfier de Cléopâtre, à voir partout l’ombre de Rome, et à se passionner pour un antique conflit de pouvoirs dont on n’avait jamais entendu parler avant de prendre la manette. Même s’il n’apporte pas de révolution fondamentale dans la manière dont il se joue, Assassin’s Creed : Origins réussit le pari – pas si évident – d’aller un peu plus loin que les clichés sur l’Egypte antique. Bien sûr, il y a des pyramides, des crocodiles, et des rites funéraires (forcément) – mais aussi beaucoup d’Histoire.
L’avis de Pixels
On a aimé :
- C’est vraiment très beau
- C’est vraiment dépaysant
- Une plongée réussie dans un lieu et une époque méconnus
On a moins aimé :
- L’interface pénible
- Un système de jeu un peu générique
C’est plutôt pour vous si :
- Vous adorez les jeux d’infiltration et les mondes ouverts (et les jeux Ubisoft en général)
- Gizeh est au sommet de votre liste d’endroits à visiter le jour où vous aurez une machine à remonter le temps
- Vous ne connaissez rien à l’Egypte antique mais cette période titille votre curiosité
Ça n’est pas pour vous si :
- Vous espériez une direction fondamentalement différente pour la série
- Vous comptiez absolument sur un mode multijoueur, absent de cet épisode
- La lecture de ce test vous a déjà mis dans la tête la chanson du lion de Cléopâtre.
La note de Pixels :
Ptolémée X/Ptolémée XII