Nouvelle démonstration de force des opposants à l’indépendance à Barcelone
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La Catalogne reprend le travail, lundi 30 octobre, sous administration directe du gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy. Vendredi, à peine quelques heures après la proclamation d’indépendance votée au Parlement catalan, le gouvernement a en effet mis la région sous tutelle, au titre de l’article 155 de la Constitution, jamais utilisé jusqu’alors.

  • Qui a été destitué par le gouvernement espagnol ?

Deux décrets ont été publiés vendredi à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire convoqué par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy. Ces derniers visaient à destituer :

- le président régional catalan, Carles Puigdemont ;

- le vice-président catalan, Oriol Junqueras ;

- le gouvernement catalan, c’est-à-dire les 12 ministres régionaux, ainsi que leurs collaborateurs ;

- les représentants du gouvernement catalan à Madrid et à Bruxelles. Les ambassades catalanes à l’étranger ferment ;

- Le chef de la police régionale catalane, actuellement mis en examen pour sédition.

  • Que devient le Parlement catalan ?

Le Parlement catalan a été dissous vendredi. Dans la foulée, Mariano Rajoy a convoqué de nouvelles élections anticipées le  21 décembre. Il s’agit du délai le plus court possible. En effet, la loi ordonne que des élections soient tenues au moins cinquante-quatre jours après leur convocation. Ainsi, les élections ayant été annoncées publiquement samedi 28 octobre, le scrutin peut se tenir dès le 21 décembre.

Madrid affirme qu’il fera un usage minimal de la mise sous tutelle ; l’objectif étant de « restaurer l’ordre constitutionnel » dans cette région de la taille de la Belgique, où vivent 16 % des Espagnols.

  • Qui dirige la Catalogne en attendant les nouvelles élections ?

Selon l’article 155, les fonctions du gouvernement catalan seront exercées par des « organes créés à cette fin par le gouvernement national », mais « en principe par les ministères (nationaux) aussi longtemps que durera cette situation exceptionnelle ».

C’est donc à Mariano Rajoy que reviennent les fonctions exercées jusque-là par M. Puigdemont. Mais ce dernier a décidé samedi de les déléguer à la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria.

Les ministères du gouvernement central assumeront les pouvoirs de l’administration catalane. Quant aux 200 000 fonctionnaires catalans, ils doivent se conformer aux directives du pouvoir central, sous peine d’être limogés.

  • Que risquent Carles Puigdemont et les membres de son ancien gouvernement ?

L’ex-président catalan est poursuivi pour « rébellion », un délit passible de quinze à trente ans de prison. Ce délit est plus grave que celui de « sédition », qui avait dans un premier temps été évoqué par le procureur général. Mais Madrid semble penser que le mettre en prison risquerait d’en faire un martyr.

Lundi midi, le procureur général de l’Etat espagnol a annoncé avoir également requis des poursuites pour « rébellion » contre les membres du gouvernement catalan destitués. La « plainte {[...] a été présentée » devant le tribunal de l’Audience nationale, à Madrid, et vise également des faits de « sédition, malversation et prévarication ». Il appartiendra à cette juridiction de décider si elle est recevable.

Par ailleurs, si les membres de l’exécutif catalan décidaient de braver leur destitution en se rendant à leur ancien bureau de la Generalitat, siège du gouvernement catalan à Barcelone, ou ailleurs, Madrid a donné pour consigne de les faire escorter par un policier régional pour leur permettre de récupérer leurs effets. S’ils refusent ensuite de quitter leur bureau, le fonctionnaire dressera un procès-verbal et le transmettra à la justice.

Lundi matin, un membre du gouvernement catalan destitué a assuré qu’il continuait à exercer ses responsabilités en postant une photo de lui dans son bureau sur Twitter :

  • Que risquent les parlementaires catalans qui ont voté l’indépendance de la Catalogne ?

Selon notre correspondante à Madrid, Sandrine Morel, le vote a été réalisé à bulletin secret afin d’éviter justement des poursuites judiciaires contre les députés qui ont voté en faveur de l’indépendance.

Le Parlement catalan se prononce en faveur de l’indépendance
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  • A quand remontent les velléités d’indépendance de la Catalogne ?

La Catalogne n’en est pas à sa première tentative d’éloignement du gouvernement central. Le dernier épisode remonte à plus de quatre-vingts ans, quand, le 6 octobre 1934, le président du gouvernement autonome de Catalogne, Lluis Companys, avait proclamé un « Etat catalan dans le cadre d’une République fédérale d’Espagne ».

Cette annonce avait déclenché une proclamation d’Etat de guerre et des affrontements qui avaient fait entre 46 et 80 morts, selon les historiens. Mais c’est surtout depuis 2010 qu’est montée la demande d’indépendance d’une partie des Catalans. C’est en effet à cette date que le tribunal constitutionnel, saisi par les conservateurs du Parti populaire, censure 14 des 223 articles du nouveau statut de la Catalogne, qui avait été négocié par le précédent gouvernement socialiste. Cette censure par le tribunal constitutionnel a été l’étincelle, marquant le regain de l’indépendantisme en Catalogne.

Lire notre enquête sur : la montée de l’indépendantisme

Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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  • Quelles sont les conséquences économiques à attendre de cette crise ?

Face à l’insécurité juridique, plus de 1 600 sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social hors de Catalogne. Peu après la déclaration d’indépendance de la Catalogne par le Parlement régional vendredi, la principale organisation patronale en Espagne, la CEOE, s’était inquiétée des conséquences « très graves » pour l’économie.

La région dispose de puissants atouts économiques. Mais les coûts du processus menant à l’indépendance pourraient surpasser les gains espérés par les séparatistes.