Carles Puigdemont n’entend pas demander l’asile politique en Belgique, mais y reste par « sécurité »
Carles Puigdemont n’entend pas demander l’asile politique en Belgique, mais y reste par « sécurité »
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Le président déchu de la Catalogne a assuré, depuis Bruxelles, accepter le « défi démocratique » des élections régionales convoquées le 21 décembre.
Carles Puigdemont, accompagné de plusieurs de ses conseillers déchus de leurs fonctions au sein de l’exécutif catalan, lors d’une conférence de presse, mardi 31 octobre à Bruxelles. / YVES HERMAN / REUTERS
Carles Puigdemont était donc bien à Bruxelles : mettant un terme à vingt-quatre heures d’incertitude et de rumeurs, il est apparu sur le coup de 13 heures, mardi 31 octobre, pour une conférence de presse dans le quartier européen, à un jet de pierre des institutions de l’Union – où tout le monde s’est bien gardé de le recevoir.
Le président démis de la Catalogne a en revanche attiré des dizaines de journalistes et déclenché un véritable chaos médiatique dans la petite salle du Press Club, louée à la va-vite par ses sympathisants au Parlement européen.
Prenant la parole en catalan, en espagnol, en anglais et en français, M. Puigdemont a livré une série de messages, après avoir de nouveau dénoncé « l’offensive agressive de Madrid contre le peuple catalan et son gouvernement légitime ».
Première précision de l’ex-président, entouré de cinq de ses anciens ministres : il n’est pas venu à Bruxelles pour déposer une demande d’asile politique. « Je ne suis pas là pour me mêler à la politique belge et je ne lui demande rien, même si l’on connaît les sympathies et les complicités qui existent ici », a-t-il dit. Une allusion au soutien dont bénéficient les autonomistes catalans en Flandre, notamment au sein de l’Alliance néoflamande (NVA), le premier parti de la région.
« Je demande à l’Europe de réagir »
C’est Theo Francken, le secrétaire d’Etat NVA à la migration, qui, au cours du week-end, avait indiqué que l’ex-président pouvait, s’il le désirait, déposer une demande d’asile à Bruxelles. M. Puigdemont affirme toutefois qu’il aurait décidé dès vendredi de se rendre en Belgique.
Si lui et ses ministres y sont venus, c’est en fait pour s’adresser non pas au gouvernement de Charles Michel mais aux responsables des institutions de l’UE, ont-ils expliqué. « Je demande à l’Europe de réagir. Parce que ce qui est en cause, ce sont les valeurs sur lesquelles elle est fondée : la démocratie, la liberté, la non-violence, l’accueil », a plaidé M. Puigdemont. « Nous condamner à trente ans de prison, ce serait en finir avec l’idée d’Europe, et nous le payerions tous », a-t-il ajouté.
Le voyage aurait aussi été dicté par des raisons de sécurité, à en croire la délégation. Son président évoque des menaces venues de groupes d’extrême droite et déplore que sa protection et celle de ses collègues soient désormais quasi inexistantes. Le délit qui est reproché aux anciens responsables de la région est assimilable à celui de terrorisme, insistent-ils, alors qu’ils n’ont jamais eu recours à la violence.
Combien de temps les membres de l’ancien gouvernement régional séjourneront-ils en Belgique ? Retourneront-ils en Catalogne ? À ces questions, leurs réponses ne sont pas claires. Ils n’entendent pas regagner Barcelone « tant que des menaces existeront ». Ils confirment cependant qu’ils ont l’intention de participer aux prochaines élections, fixées au 21 décembre par le gouvernement de Madrid. « Sur le terrain démocratique, nous avons toujours gagné et nous serons encore les plus forts », dit M. Puigdemont.
Un projet indépendantiste « gelé »
Il entend dès lors vouloir assumer ce « défi démocratique » et en reconnaîtra le résultat. Il interpelle toutefois ce qu’il appelle le « bloc du 155 », à savoir les partis qui soutiennent la prise de contrôle par Madrid de toutes les institutions catalanes par le biais de l’article 155 de la Constitution espagnole, pour demander au Parti populaire et aux autres s’ils entendent faire de même ou organiser les conditions d’un « plébiscite » en leur faveur.
D’ici à ce scrutin, a poursuivi le président démis, il faut « ralentir le déploiement de la République [catalane] » et le gouvernement va « adapter son plan de travail ». Il entend, dit-il, éviter d’abord la violence et espère qu’une série d’initiatives populaires, syndicales ou de la part de fonctionnaires éviteront l’application de l’article 155 et « la démolition » du système institutionnel catalan.
M. Puigdemont entendait visiblement convaincre la Belgique et l’Europe qu’il reste bel et bien le président de la Catalogne, dont le projet indépendantiste serait simplement « gelé », en l’attente d’une solution qu’il veut croire politique. Laquelle ? En dehors d’un revirement complet de Madrid ou d’une intervention de l’Union européenne – qui s’y refuse –, on n’en distingue aucune.