G5 Sahel : les Etats-Unis s’engagent sans l’ONU
G5 Sahel : les Etats-Unis s’engagent sans l’ONU
Par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante)
Washington a annoncé une aide de 51 millions d’euros aux pays de cette force africaine antiterroriste, mais s’oppose toujours à un soutien accru de l’ONU comme le souhaitait Paris.
Le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, à Washington, le 4 octobre. / JIM WATSON/AFP
Sur le fond, la force conjointe dite « G5 Sahel » bénéficie d’un soutien unanime. Mais des divergences subsistent sur la forme que doit prendre cet appui. Washington a promis, lundi 30 octobre, une aide financière qui pourra atteindre jusqu’à 51 millions d’euros aux pays qui composent cette force (Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Tchad). Paris, qui avait fait du G5 Sahel la priorité de sa présidence du Conseil de sécurité au mois d’octobre, espérait obtenir une aide logistique et financière des Nations unies.
L’annonce américaine a été faite par le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, juste avant une réunion ministérielle du Conseil de sécurité de l’ONU, consacrée à la consolidation de l’aide internationale à cette force ayant du mal à réunir le budget nécessaire à son fonctionnement. Son coût opérationnel est estimé à 423 millions d’euros par les partenaires africains. Paris juge que la somme de 250 millions d’euros serait satisfaisante.
Jusqu’à présent, seuls 108 millions ont été levés pour permettre le déploiement de cette force qui devrait compter à terme 5 000 hommes et mener des actions de contre-terrorisme sur les zones transfrontalières, en complémentarité de l’opération française « Barkhane » et de la Minusma, la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali.
M. Tillerson a cependant laissé le soin à sa représentante aux Nations unies, Nikki Haley, d’annoncer que ces fonds n’iraient pas à l’ONU. « L’administration Trump a clairement dit qu’elle avait une confiance très limitée en l’ONU (…) et elle se méfie d’accorder une autorisation trop large au G5, de peur que les coûts ne soient finalement payés par l’ONU, et donc dans une large mesure par les contributions américaines », juge Andrew Lebovich, chercheur associé et spécialiste du Sahel à l’European Council of Foreign Relations.
L’aide américaine doit cependant « renforcer nos partenaires régionaux dans leur combat pour assurer la sécurité et la stabilité face au groupe djihadiste Etat islamique et aux autres réseaux terroristes », a estimé le chef de la diplomatie américaine. « C’est un combat que nous devons gagner, et cet argent va jouer un rôle-clé pour y parvenir », a-t-il ajouté.
« Mettre un terme à l’insécurité »
Cet engagement financier intervient alors que les Etats-Unis ont perdu, dans des conditions troubles, quatre soldats des forces spéciales, le 4 octobre, au Niger. Le sénateur républicain Lindsey Graham a par ailleurs annoncé, au sortir d’une réunion avec le ministre de la défense, James Mattis, que les Etats-Unis souhaitaient renforcer leurs opérations militaires en Afrique.
« Les groupes terroristes au Sahel représentent aujourd’hui une menace globale, à la fois pour la stabilité de la région, mais aussi pour la sécurité internationale (…). La force conjointe du G5 Sahel, c’est la bonne réponse à ce défi », a renchéri le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, qui avait fait le déplacement à New York. Huit mois après l’annonce de sa création, la force du G5 Sahel « existe bel et bien » et a commencé ses premières opérations sur le fuseau dit « central » (Mali, Burkina Faso et Niger). Le ministre a cependant insisté sur le fait qu’une aide multilatérale serait « un signal important du soutien de la communauté internationale aux pays du G5 dans leur lutte contre les organisations terroristes ».
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a martelé que « seule une réponse multidimensionnelle pouvait mettre un terme à l’insécurité ». Le ministre des affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, a lui aussi plaidé pour un soutien de l’ONU, la seule option « à même de garantir la prévisibilité et la pérennité des ressources ainsi que le soutien opérationnel à la force conjointe ».
Ils se sont vu opposer une fin de non-recevoir par Washington. « Nous pensons que le G5 doit être d’abord et avant tout la propriété des pays de la région eux-mêmes. Nous avons également des réserves sérieuses et bien connues quant à l’utilisation des ressources des Nations unies pour soutenir des activités non liées à l’ONU », a déclaré Mme Haley, faisant référence à l’idée avancée d’un soutien logistique de la Minusma au G5.
Paris veut toutefois croire qu’« un verrou idéologique a sauté » avec ce soutien financier de Washington. Jean-Yves Le Drian a annoncé que Paris proposerait une nouvelle résolution, avant la conférence des donateurs, prévue le 14 décembre, qui préciserait « l’articulation entre la Minusma et la force conjointe ».