Le parti Les Républicains vote l’exclusion de personnalités pro-Macron issues de ses rangs
Le parti Les Républicains vote l’exclusion de personnalités pro-Macron issues de ses rangs
Par Matthieu Goar
Le bureau politique du parti a exclu un ministre, un secrétaire d’Etat, deux députés et « acté » le départ du premier ministre, Edouard Philippe.
Le parti Les Républicains (LR) a enfin réussi à trancher. Mardi 31 octobre, le bureau politique du parti a voté l’exclusion des membres du gouvernement issus des Républicains Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu, ainsi que des figures de proue du groupe dissident Les Constructifs à l’Assemblée nationale, Thierry Solère et Franck Riester. Le premier ministre, Edouard Philippe, qui ne s’est pas rendu aux convocations de son parti, n’a pas été formellement exclu pour des raisons juridiques. Mais le bureau politique a acté son départ.
Le résultat est sans surprise. Seulement une trentaine de membres se sont réunis et ont voté à une écrasante majorité pour exclure ces pro-Macron. Comme souvent ces dernières semaines, aucune des figures de la droite modérée, tels Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Dominique Bussereau ou Jean-Pierre Raffarin, n’a pris la peine de se déplacer. Car ce dénouement était attendu. Ce bureau politique avait en fait été convoqué pour rattraper le ratage de la semaine dernière. Mardi 24 octobre, trente-sept des quarante-sept dirigeants s’étaient déjà prononcés pour la solution de l’exclusion. Une majorité confortable mais très friable d’un point de vue juridique. Car le quorum, fixé à soixante-trois, soit la moitié des membres de cette instance, n’avait pas été atteint. Le parti avait donc été contraint de réunir ce nouveau bureau politique, où, cette fois, la majorité simple était suffisante. Les exclus ont maintenant trente jours pour saisir la commission des recours des Républicains. Une éventualité qui pourrait relancer un temps la machine médiatique.
Un feuilleton interminable
Ce feuilleton dure depuis quatre mois. Dès la nomination de ministres LR dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe, de nombreux élus et militants avaient réclamé l’exclusion de ces « destructifs », selon un terme de Guillaume Larrivé, député de l’Yonne. La création d’un groupe dissident par Thierry Solère et Franck Riester n’avait fait qu’envenimer les choses. La lenteur du processus s’explique par la prudence des instances des Républicains, qui ont voulu se protéger juridiquement.
Le 30 juin, Bernard Accoyer, secrétaire général des Républicains, avait envoyé un courrier aux intéressés pour leur signifier qu’une procédure allait être enclenchée. Lors du bureau politique du 11 juillet, tout le monde s’attendait pourtant à une sanction. Mais, face aux doutes de certains dirigeants, le parti avait préféré mettre en place une « commission spéciale » pour « recueillir les explications » des membres du gouvernement Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu et des députés Thierry Solère et Franck Riester. Une façon de remettre ce dossier épineux à plus tard.
Car des raisons politiques se sont en permanence invitées dans ce débat. En juillet, les exclusions pures et simples avaient notamment été reportées sous la pression du président du Sénat, Gérard Larcher, qui ne voulait pas qu’une excommunication froisse les élus centristes et perturbe la campagne de ses candidats aux sénatoriales de septembre. Les partisans de l’exécutif actuel avaient tout de même été suspendus de leurs fonctions exécutives au sein du mouvement. MM. Darmanin et Lecornu avaient ainsi perdu respectivement la présidence de la fédération du Nord et le secrétariat départemental de la fédération de l’Eure. Une manière de satisfaire les membres les plus durs du bureau politique comme Laurent Wauquiez, Florence Portelli, Daniel Fasquelle, Nadine Morano ou encore Eric Ciotti.
Jouer la montre
Toujours pour des raisons politiques, Les Républicains ont joué la montre en espérant que les dissidents quittent le parti d’eux-mêmes. Sortie très affaiblie des élections présidentielle et législatives, la droite redoutait les conséquences de ce processus, notamment en apparaissant comme un parti recroquevillé et sectaire, un argument largement employé par Les Constructifs dans les médias. Le mardi 3 octobre, un nouveau bureau politique avait laissé huit jours aux dissidents « pro-Macron » pour se plier à la convocation. Edouard Philippe n’y avait pas répondu et ne voyait aucun inconvénient à être un premier ministre sans parti.
« J’aurai un engagement politique, et l’engagement politique à mon avis vaut largement l’étiquette partisane », déclarait ainsi le chef du gouvernement, lundi 9 octobre, sur Europe 1. Histoire de pousser leur ancien parti dans ses retranchements, Franck Riester et Thierry Solère avaient souhaité être entendus par Jean Leonetti. Une entrevue qui a eu lieu, mardi 10 octobre. Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu ont, eux, été auditionnés par Patrick Ollier, mardi 24 octobre.
Reste à savoir comment les exclus réagiront. M. Philippe devrait rester sur la même ligne de communication en se plaçant au-dessus des questions partisanes, quitte à devenir un premier ministre sans étiquette. Franck Riester n’avait pas l’intention de saisir la commission des recours, alors que les trois autres hésitaient encore à poursuivre le feuilleton. M. Lecornu a même menacé de poursuivre son ancien parti en justice. D’un point de vue politique, ces exclusions pourraient accélérer la création d’une nouvelle formation politique à laquelle Les Constructifs réfléchissent depuis cet été. A moins qu’ils ne rejoignent La République en marche, à l’instar du ministre de l’économie, Bruno Le Maire.