Une messe a été dite par l’archevêque de Malte, Charles Scicluna, lors d’une cérémonie interdite à la presse. / ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Après l’onde de choc suscitée par son assassinat, ils ont voulu lui rendre un dernier hommage. Des centaines de personnes se sont rassemblées, vendredi 3 novembre, à Malte pour les funérailles de la journaliste et blogueuse anticorruption Daphne Caruana Galizia.

La cérémonie s’est déroulée dans le grand sanctuaire chrétien de Mosta, non loin du domicile et du lieu où la journaliste, âgée de 53 ans, a trouvé la mort dans l’explosion de sa voiture piégée, le 16 octobre.

Une messe a été dite par l’archevêque de Malte, Charles Scicluna, lors de cette cérémonie interdite à la presse. « Nous sommes ici pour prier pour Daphne, victime de la violence meurtrière qui a ôté la vie à une femme, une mère, une journaliste », a déclaré Mgr Scicluna dans son homélie.

Malte, une « île mafia »

Une fois la cérémonie achevée, l’assistance a longuement applaudi le cercueil à sa sortie de l’église, y jetant des fleurs et criant « Merci Daphne » et « Nous voulons justice », avant l’enterrement dans la crypte familiale. Peu de personnalités ont assisté à ces funérailles, à l’exception du président du Parlement européen, Antonio Tajani.

Mme Caruana Galizia enquêtait sur des scandales de corruption et des affaires de blanchiment d’argent et de trafic d’influence quand une bombe placée sous sa voiture l’a tuée à la mi-octobre.

Elle avait notamment révélé en avril que l’épouse du premier ministre maltais, Joseph Muscat, était la bénéficiaire d’une société-écran au Panama, appelée Egrant, au sein de laquelle 1 million de dollars avait été déposé par l’Azerbaïdjan. Ces accusations ont été démenties par le premier ministre et sa femme. Après sa mort, ses fils ont réclamé la démission de M. Muscat, l’accusant d’avoir créé une culture d’impunité ayant transformé Malte en « île mafia ».

Une enquête « indépendante et approfondie »

Cet attentat, quasi inédit dans un pays de l’Union européenne, a profondément choqué en Europe et au-delà. « Aujourd’hui, le monde est en deuil de Daphne Caruana Galizia », a ainsi dit, vendredi, la Commission européenne, qui a mis en berne le drapeau européen à Bruxelles et partout dans le monde. Elle a également réitéré sa demande d’une enquête « indépendante et approfondie ».

Le gouvernement maltais a décidé de proclamer vendredi journée de deuil national, affirmant qu’« aucune attaque à l’encontre de la liberté d’expression n’est admise dans la démocratie maltaise ».

La presse internationale s’est également mobilisée. Huit grands médias européens, dont Le Monde, ont demandé dans une lettre ouverte à la Commission européenne l’ouverture d’une « enquête indépendante » sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia.

« Il ne faut pas laisser les assassins de Daphne parvenir à étouffer son enquête sur la corruption au sein des plus hautes sphères à Malte », affirment les signataires, qui soulignent que la Commission elle-même avait critiqué l’emprise sans équivalent au sein de l’Union européenne des partis politiques locaux sur les médias maltais.