Les papas danois incités à pouponner
Les papas danois incités à pouponner
M le magazine du Monde
La loi danoise accorde aux parents 32 semaines de congé à se partager après la naissance d’un enfant. Le gouvernement a lancé une campagne pour encourager les pères à en profiter davantage.
Le clip encourageant les hommes à prendre le congé paternel, diffusé sur les réseaux sociaux et dans les entreprises partenaires, a pour slogan « Prends-le comme un homme ! ». / Capture d'écran Web
Les Danois passent 97 semaines de leur vie sur les toilettes, 142 au volant, 490 au travail… Mais 30 jours en moyenne seulement à pouponner, contre dix fois plus pour leurs compagnes. Afin de changer les choses, le gouvernement libéral a lancé, vendredi 3 novembre, une campagne nationale, avec le soutien du patronat, des syndicats et d’une dizaine de grosses entreprises, pour inciter les pères à prolonger leur congé paternité, sous le slogan « Prends-le comme un homme ! »
Dans le premier clip, diffusé sur les réseaux sociaux et dans les entreprises partenaires, un jeune père, barbe de hipster, hot-dog à la main, assiste – avec bébé accroché sur son ventre – à un match de foot. « Comme un homme, donc ! » Le film se termine sur cette mise en garde : « Le travail ne part nulle part, les enfants si, avant même que vous ne vous en rendiez compte. »
Au Danemark, les salariés ont droit à 52 semaines de congé parental : pour la mère, 4 semaines avant la naissance et 14 semaines après, pendant lesquelles le père peut aussi prendre 2 semaines de congé paternité ; puis 32 semaines à partager, indemnisées de façon variable, en fonction des conventions collectives. Mais les hommes traînent des pieds… en partie à cause des femmes, assure Claus Rasmussen, directeur des ressources humaines chez le fabricant de bijoux Pandora : « Quand on demande à nos salariés pourquoi ils ne restent pas plus longtemps à la maison, beaucoup répondent que leurs compagnes ne veulent pas partager les congés ! »
« Il faut changer la culture », martèle la ministre à l’égalité, Karen Elleman. Car les femmes finissent perdantes : « Si elles restent à la maison un an, leur absence affecte leur carrière et leur salaire, alors qu’il suffit que les hommes prennent 10 % du congé pour qu’on constate un effet positif sur la situation des femmes. » L’écart de salaire médian entre Danois et Danoises tourne autour de 14 %.
Certaines compagnies font déjà plus que les autres. Le laboratoire pharmaceutique Novo Nordisk, qui le voit comme un argument de recrutement, verse à l’ensemble de ses employés la totalité de leur salaire pendant leur absence. Depuis une dizaine d’années, l’opérateur danois TDC compense le manque à gagner, pour les pères, pendant huit semaines au-delà des quatorze premiers jours de congé prévus par la loi. « 85 % choisissent d’en profiter », explique son directeur commercial Jens Aalose, qui estime que les cadres ont leur responsabilité. Lui-même a pris deux mois de congé paternité avec ses deux plus jeunes – l’aîné a 23 ans, l’époque était différente.
Cette campagne suffira-t-elle à changer les mentalités ? Certains plaident pour une réforme à la suédoise : là-bas, le père et la mère ont droit chacun à trois mois après la naissance, et ils partagent les sept mois de congés restants. Pas question, objecte la ministre opposée, « en tant que libérale », à un congé « forcé ». Seule fausse note lors du raout organisé sur les quais de Copenhague le 3 novembre : l’absence du ministre du commerce et de la croissance, Brian Mikkelsen, apparemment trop occupé par des discussions budgétaires.