Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à l’Assemblée nationale, le 3 octobre. / BENOIT TESSIER / REUTERS

Qui porte la responsabilité juridique, mais surtout politique, du fiasco de la taxe sur les dividendes qui amène aujourd’hui le gouvernement à devoir rembourser aux grandes entreprises une ardoise de près de 10 milliards d’euros à la suite de la censure de cette taxe par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre ? C’était tout l’objet du rapport demandé fin octobre par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, à l’Inspection générale des finances (IGF), et qui lui a été remis lundi 13 novembre.

« La fragilité juridique de la taxe à 3 % sur les dividendes était bien identifiée et connue dès 2015 », indique le ministère de l’économie dans un communiqué.

L’analyse de la chronologie des décisions concernant ce prélèvement à 3 % sur les dividendes, instauré en 2012, au début du quinquennat de François Hollande, met en lumière des « faiblesses administratives et institutionnelles », selon le cabinet de M. Le Maire, et établit « le choix politique fait à partir de 2015 de maintenir la taxe et de continuer à la percevoir en dépit d’incertitudes avérées sur sa conformité au droit européen ».

Des « délais très courts »

En revanche, l’IGF et le ministère ne font pas remonter les dysfonctionnements concernant cette taxe à 2012. A Bercy, on insiste sur les « délais très courts » d’élaboration de cette taxe, en 2012 – « Il s’est écoulé trois mois entre la décision de faire la taxe et sa présentation au Parlement. » A l’époque, les interrogations des avocats spécialistes du sujet sont « restées relativement isolées », souligne-t-on à Bercy.

Le rapport ne mentionne pas le degré de connaissance du sujet par Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de l’Elysée entre 2012 et 2014. « Il n’y a pas d’élément là-dessus, car il n’y a pas eu d’alerte sur le caractère incompatible de la taxe avec le droit européen au niveau de l’administration ou de ministres [à cette période]. Il n’y a donc pas lieu de se demander de quoi était au courant » l’actuel Président de la République, explique-t-on de source proche du dossier.

En revanche, c’est à partir de 2015 que les interrogations se multiplient, tout comme les réclamations de la part des entreprises. « Les choses changent à partir de 2015 : on a une multiplication d’alertes sur cette taxe », indique Bercy, qui relate notamment que « la Commission européenne met en demeure la France et alerte sur la possible incompatibilité de la taxe [avec le droit européen] dans une lettre signée Pierre Moscovici du 26 février 2015 ». De sorte que « fin 2015, tous les voyants sont au rouge ».

S’ensuivront la décision de la Cour de justice de l’Union européenne en mai 2017, qui censure partiellement la taxe, puis celle du Conseil constitutionnel, qui l’invalide dans sa totalité.

Remise d’un nouveau rapport début décembre

Ce rapport avait initialement été annoncé pour vendredi 10 novembre, puis pour lundi 13 au matin. Sa publication avait été reportée de nouveau, officiellement en raison des cérémonies de commémoration en hommage aux victimes des attentats du 13-Novembre.

Présent lundi à l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du texte du projet de loi de finance rectificative (PLFR), qui introduit une surtaxe d’impôt sur les sociétés pour rembourser les entreprises concernées, M. Le Maire a détaillé quelques pistes pour éviter qu’une telle affaire ne se reproduise. « Les alertes de la Commission européenne (...) doivent faire l’objet d’une information des commissions des finances du Parlement », a-t-il souhaité. Le ministre a également annoncé pour début décembre la remise d’un nouveau rapport, sur la ventilation par décile des gagnants et perdants de la surtaxe, suivant un amendement déposé par le député LR Gilles Carrez.