Réforme de la formation continue : le gouvernement cadre la négociation
Réforme de la formation continue : le gouvernement cadre la négociation
Par Bertrand Bissuel
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a transmis aux partenaires sociaux le « document d’orientation » de l’un des principaux chantiers sociaux du quinquennat.
Muriel Pénicaud rencontre des apprentis, lors d’une visite à Mex (Suisse), le 26 octobre. / Laurent Gillieron / AP
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a transmis, mercredi 15 novembre, au patronat et aux syndicats le « document d’orientation » relatif à la réforme de la formation professionnelle. Ce document, d’une dizaine de pages, sert de cadre à la discussion qui va s’ouvrir sur l’un des grands chantiers sociaux du début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il explicite « les principaux objectifs » de l’exécutif, annoncés durant la campagne présidentielle et réaffirmés au cours de la période récente.
Les partenaires sociaux sont invités à boucler leur « négociation interprofessionnelle » d’ici à la fin janvier 2018. Si elle débouche sur un accord, le gouvernement pourra s’en inspirer, voire le reprendre, plus ou moins littéralement, dans un projet de loi prévu pour avril 2018 – sous réserve que le cahier des charges initial, livré par Mme Pénicaud, soit respecté par les organisations de salariés et d’employeurs. Le texte législatif, programmé pour l’an prochain, accueillera également des mesures relatives aux réformes de l’assurance-chômage et de l’apprentissage – deux autres projets également en cours de gestation.
En préambule, le texte remis mercredi aux partenaires sociaux rappelle les motivations du projet porté par la ministre du travail. Avec le développement de la robotique et du numérique, « environ 10 % à 20 % des emplois sont menacés de disparition par l’automatisation des tâches », tandis que près de la moitié des autres « seront profondément transformés dans les dix années à venir ». Pour faciliter l’entrée de la France dans cette « économie de la connaissance », trois préoccupations sont mises en avant : investir massivement dans la formation et les compétences – ce qui fera l’objet d’un plan de près de 15 milliards d’euros, étalé sur cinq ans ; « protéger les plus vulnérables » et « vaincre le chômage de masse » ; et, enfin, offrir à chaque actif « la capacité de construire son parcours professionnel ».
Une application pour « connaître en temps réel » ses droits
Ce troisième et dernier point renvoie au « compte personnel de formation » (CPF). Entré en vigueur début 2015, ce dispositif suit chaque personne tout au long de sa carrière et capitalise un crédit d’heures de formation. A ce jour, il a été utilisé plus d’un million de fois. L’exécutif souhaite aller plus loin, en donnant plus de place à cet outil et en simplifiant son utilisation. « Le CPF doit (…) devenir l’unique droit personnel à la main des individus, dans une logique (…) d’autonomie, sans intermédiaire obligatoire, est-il indiqué dans le document d’orientation. Ses possibilités de mobilisation doivent devenir simples et transparentes. »
A cette fin, une application numérique sera mise à disposition : elle permettra de « connaître en temps réel » les droits individuels acquis, les offres d’emploi disponibles sur un territoire donné, les formations préparant à l’acquisition des compétences requises par ces mêmes emplois et les « taux d’insertion » dans le monde du travail de ces stages.
Sur ce volet, le gouvernement suggère au patronat et aux syndicats de négocier une « nouvelle unité de mesure du CPF », le libellé en heures étant jugé insatisfaisant ; l’exécutif avait d’ailleurs déjà laissé entendre que le passage à un compte en euros pouvait constituer une piste. Les partenaires sociaux seront également amenés à se pencher sur le « financement collectif garanti » au profit du CPF et devront réfléchir à l’éventualité d’un effort plus important, en fonction – notamment – « du niveau des qualification » des personnes. Pour que celles-ci fassent des « choix éclairés et libres », la ministre du travail aimerait accorder une plus grande place au « conseil en évolution professionnelle », un dispositif créé en 2013 mais qui n’a pas vraiment décollé, depuis lors ; le vœu de Mme Pénicaud est de parvenir à un véritable « droit à l’accompagnement ».
Deuxième axe : la formation des demandeurs d’emploi. Des moyens financiers accrus y seront consacrés, avec le plan d’investissement dans les compétences (PIC). Mais il faudra aussi veiller à bien cerner les « besoins » des entreprises et à « flécher les formations » sur ces mêmes besoins, souligne le document d’orientation. Dans cette perspective, les organisations d’employeurs et de salariés sont invitées à trouver des solutions pour élaborer une « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » (GPEC) à l’échelon des branches, avec des indicateurs chiffrés propres à chaque bassin d’emploi. Le but étant de fournir « une information précise et de qualité aux acheteurs de formation » (Pôle emploi, conseils régionaux, etc.).
Préserver « l’employabilité » des personnels
Le gouvernement souhaite également que la négociation à venir traite des obligations pesant sur les patrons pour préserver « l’employabilité » de leurs personnels. A charge pour les partenaires sociaux de faire émerger des idées pour que les entreprises soient incités « à mieux assurer le maintien de la capacité de [leurs] salariés à occuper un [poste] ». Ils devront aussi se pencher sur « les moyens financiers » et les « outils nécessaires » aux petites et moyennes entreprises, quitte à envisager pour elles un système « asymétrique » – c’est-à-dire avec des possibilités de financement un peu plus favorables que pour les grandes entreprises.
La réflexion qui s’ouvre abordera également le système d’apprentissage. Il s’agira de mettre en place un mécano « garantissant la transparence et l’utilisation optimales des ressources » destinées au financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Devra également être traitée la question de la répartition des fonds vers des branches ayant peu de moyens – le vœu de Mme Pénicaud étant de parvenir à un mécanisme de « péréquation ».
Enfin, l’exécutif suggère aux partenaires sociaux de phosphorer sur la régulation du système, le but étant de mieux vérifier la qualité des offres de formation. L’hypothèse d’un renforcement des « contrôles du service fait » devra aussi être explorée.