Baptiste Serin, le 18 novembre contre l’Afrique du Sud. / MARTIN BUREAU / AFP

Novembre 2016, tournée d’automne : le XV de France échoue de peu face à la Nouvelle-Zélande (19-24). La défaite est très encourageante, le rugby français a les yeux de Chimène pour un gamin à la mèche rebelle, Baptiste Serin, qui vient d’éblouir son monde par son talent et son culot.

Février 2017, début du Tournoi des six nations : le XV de France chute d’un rien contre l’Angleterre à Twickenham (14-17). Défaite follement encourageante, et tout le monde est d’accord, le futur sera Serin ou ne sera pas, le voilà le nouveau patron, la tête de gondole des Bleus, celui qu’on n’attendait plus.

Novembre 2017, tournée d’automne : les Tricolores se ratatinent d’un souffle face aux Springboks d’Afrique du Sud (17-18). Défaite qui n’a plus rien d’encourageant, mais tout de déprimant, et même pire pour ceux qui ont eu le courage – ou l’inconscience, mais c’est souvent la même chose – de regarder le match. Tous les regards sont encore tournés vers Baptiste Serin. Des regards d’incompréhension.

En vingt minutes de présence sur le terrain, celui qui est devenu remplaçant a tout fait : pour le meilleur (un essai de filou), mais surtout pour le pire. Avec d’abord un carton jaune reçu pour un tirage de maillot de mauvais augure, qui laissera ses partenaires constater leur infériorité, numérique et générale, en encaissant dix points en autant de minutes. « Pourquoi vous faites ça ? », lui demandera même l’arbitre Nigel Owens, faussement incrédule au moment d’envoyer le jeune homme au frigo.

Triple peine

Bien plus incompréhensible encore fut le coup de pied en touche balancé par le numéro neuf à la réception du coup d’envoi sud-africain à trois minutes de la fin. Un coup de surin dans le dos des siens, puisqu’il annihilait tout espoir de revoir le ballon avant la fin de la partie.

« Baptiste a encore besoin d’apprendre, a gentiment expliqué son sélectionneur, Guy Novès après le match. Le dernier ballon, quand il choisit de taper en touche, on sait qu’on a perdu le match. Ces deux décisions sont embêtantes à ce niveau. Mais de là à vous dire que Baptiste Serin est un mauvais joueur, je vous dirais non. C’est un très bon joueur. »

Les joueurs de l’équipe de France encerclent leur entraîneur en chef, Guy Novès, le 17 novembre à Marcoussis. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Et personne ne viendra affirmer le contraire. Mais en rappelant la qualité du demi de mêlée, le sélectionneur plaide contre lui-même. Car au-delà des sempiternels « problèmes de matos », qui expliquent la spirale de la lose (les blessés, le Top 14, la météo, la France…), le cas Serin est assez symptomatique du mal qui ronge cette équipe, en perte de repères techniques, tactiques, et surtout en manque terrifiant de confiance. Intranquille comme Baptiste, perdue comme Pessoa : « Je me cherche sans me trouver. J’appartiens à des heures chrysanthèmes, aux lignes nettes dans l’étirement des vases. »

Un XV de France qui peine à jouer, qui peine à jouir, qui peine perdue, et pour lequel se pose forcément la question du management. Avant Serin, le Toulousain Sébastien Bézy avait d’ailleurs vécu la même déconfiture, porté au pinacle pendant quelques mois, les clefs du camion dans la poche, avant de se retrouver sur le bord de la route.

« Une des équipes les plus mal coachées au monde »

Un esprit chagrin fera remarquer que le meilleur match de cette tournée d’automne, qui n’est certes pas terminée puisque les Bleus affronteront le Japon le 25 novembre, a été celui des réservistes contre la Nouvelle-Zélande bis (23-28). Des réservistes qui se sont préparés quasi seuls, au dernier moment, sans Novès, qui ne les a rejoints à Lyon que le jour du match.

Avec son bilan de sept victoires en 21 matchs avec les Bleus, celui qui reste l’entraîneur le plus titré en club (dix titres de champion de France et quatre de champion d’Europe avec Toulouse) ne fait plus mystère de l’incertitude qui pèse sur la suite de son mandat à la tête de l’équipe de France, laquelle serait, selon le Sud-Africain Nick Mallett, ancien sélectionneur des Boks (1997-2000) et ex-entraîneur du Stade Français (2002-2004), « l’une des équipes les plus mal coachées au monde ».

« On continuera de travailler, si on est encore là », a donc seriné Novès devant la presse, avant d’ajouter, au sujet de son avenir à la tête des Bleus, deux ans après son arrivée : « Je ne le maîtrise pas. Posez [la question] à celui qui le maîtrise. »

C’est-à-dire au président de la Fédération, Bernard Laporte, qui a botté en touche dimanche : « Finissons bien la tournée et on fera ensemble, avec tout le monde, le bilan, pour trouver les solutions, mais ensemble. Il n’est pas question de se priver de Pierre, de Paul ou de Jacques. »

Ni même d’Alain (Delon), dont la saillie dans Nouvelle vague (1990) de Jean-Luc Godard pourrait désormais servir de teaser à la communication des Bleus. Question : « Qu’est-ce que vous faites ? » Réponse : « Je fais pitié. »

Alain Delon : "Je fais pitié"
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