Discriminations : les préjugés ont la vie dure
Discriminations : les préjugés ont la vie dure
Le Monde.fr avec AFP
Le CNRS et SOS-Racisme ont réalisé une enquête inédite sur les discriminations dans des marchés encore inexplorés, comme l’assurance automobile le crédit à la consommation ou l’accès aux complémentaires-santé.
Parmi les domaines testés par l’étude de SOS-Racisme et du CNRS sur les discriminations, l’achat d’une voiture d’occasion. / MICHAL CIZEK / AFP
Formation professionnelle, hébergement touristique ou assurances… une étude publiée, jeudi 23 novembre, par SOS-Racisme et une équipe de chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dresse un état des lieux des discriminations dans des domaines peu étudiés en France : la formation professionnelle, l’achat d’une voiture d’occasion, l’assurance automobile, l’accès aux complémentaires de santé, le crédit à la consommation, la reprise d’entreprise et l’hébergement touristique.
L’étude a exploré ces domaines à travers quatre critères de discrimination : l’âge, le sexe, l’origine et la réputation du lieu de résidence. Selon Dominique Sopo, président de SOS-Racisme, les résultats montrent les conséquences de « préjugés », sur lesquels il y a « un important travail à faire ».
A l’aide de la méthode du « testing », l’étude révèle, par exemple, qu’un homme de 22 ans a moins de chances d’obtenir un crédit à la consommation (40 % de réponses positives) qu’un homme de 42 ans (65 % de réponses positives). En revanche, ce dernier paiera un taux d’intérêt plus élevé. Pour l’accès à un hébergement de loisirs, un homme de 22 ans d’origine française obtient davantage de réponses positives (56,8 %), qu’un homme d’origine africaine (49,3 %) ou un homme résidant dans un quartier « politique de la ville » (46,3 %).
« 15 000 candidatures envoyées »
Si les femmes sont désavantagées dans la plupart des tests effectués, elles font l’objet d’une discrimination « positive » pour les assurances automobiles : elles ont plus de chances d’y accéder. En revanche, un homme de 22 ans qui réside en quartier « politique de la ville » subit une double pénalité : il reçoit moins de réponses positives qu’un homme du même âge qui ne vit pas dans ces quartiers et paie un prix plus élevé (681,40 euros, contre 621,20 euros).
« Les critères objectifs ne sont pas réunis pour expliquer une différence de traitement dans la plupart des cas », explique Dominique Sopo. Pour Yannick L’Horty, directeur de la fédération de recherche travail, emploi et politiques publiques (TEPP) du CNRS, « il y a du retard en France sur l’utilisation du “testing”, probante en matière d’inégalités de traitement ». Le « testing » consiste à présenter, pour une même offre, plusieurs candidatures avec des critères de différence. Pour cette étude, « environ 15 000 candidatures ont été envoyées », explique Yannick L’Horty.
La publication de l’étude, remise au premier semestre au ministère chargé de la jeunesse, survient peu après les déclarations d’Emmanuel Macron du 14 novembre. Le chef de l’Etat a déclaré vouloir « lutter pied à pied » contre les discriminations. Des opérations de « testing » seront menées pour identifier et pénaliser les entreprises responsables de discriminations. « Des enquêtes spécifiques de l’inspection du travail doivent traquer les entreprises qui ont recours à ces pratiques [de discrimination à l’embauche], et publier les noms de celles qui ne jouent pas le jeu », a affirmé le chef de l’Etat.