TV – « #Propaganda » : le marketing et ses super-pouvoirs d’achat
TV – « #Propaganda » : le marketing et ses super-pouvoirs d’achat
Par Martine Delahaye
A voir aussi ce soir. Avec humour, cette websérie de Léo Favier démasque les stratégies pour façonner nos désirs et nous pousser à consommer (sur arte.tv, à la demande).
© LES BONS CLIENTS
Le site d’Arte, Arte.tv, vient de lancer une websérie aussi amusante qu’éclairante, #Propaganda, sur les stratégies mises en place par les grands groupes afin de façonner nos désirs, quitte à manipuler l’histoire ou nos souvenirs. Tout cela pour mieux nous vendre le dernier iPhone ou nous convertir en chercheurs de Pokémon…
Parmi celles-ci : le « storytelling », associant une histoire à un produit ; la « polarisation » qui, comme l’a fait Trump, provoque des opposants et permet de se faire passer pour une victime, hors système et même rebelle. Ou, plus récente, la « gamification » qui, au travers des jeux gratuits sur smartphone, se révèle un moyen efficace de saisir les données personnelles géolocalisées… Sans parler du « mystery marketing », du « content marketing » ou du « marketing participatif », qui font leurs preuves chaque jour.
Levi’s et le storytelling
A partir d’images détournées, Léo Favier, crédité à l’écriture et à la réalisation, décrypte donc, en dix épisodes de cinq à six minutes, les tactiques utilisées, à notre insu ou de notre plein gré, pour capter notre attention et nous vendre toujours plus. Dans le deuxième volet, il montre comment la marque Levi’s a inversé les concepts de mythe et d’autofiction développés par Roland Barthes afin de créer une mythologie associant l’apparition du 501 à la fondation des Etats-Unis. Ce « storytelling », commente-t-il, vise à « fidéliser les comportements d’achat et à engager le consommateur dans une relation émotionnelle, donc durable, avec cette marque. (…) Avec ce pantalon, on fera partie d’un mythe, et ça, ça n’a pas de prix. »
Le septième volet, pour sa part, met en avant la recherche de « leaders d’opinion » que menèrent les cigarettiers pour endiguer la baisse de leurs ventes et inciter les femmes à fumer. Ou comment faire passer une cigarette, associée à la masculinité, pour un « outil d’émancipation », voire une « torche de la Liberté »…
« Star Wars », de père en fils
Le dixième et dernier volet, tout aussi passionnant, détaille, étape par étape, les moyens de rentabiliser les gigantesques investissements dans lesquels se lancent les grands groupes cinématographiques afin de tenir en haleine leur public. Pour cela, Léo Favier, qui se présente comme un « spin doctor » (« conseiller en communication ») et joue du détournement d’images, prend l’exemple de la licence de Star Wars, rachetée 4 milliards de dollars par le groupe Disney à son créateur, George Lukas. Avec l’achat de cette licence, ce sont en fait les fans de Star Wars que Disneys’est mis dans la poche, explique-t-il : des consommateurs dont on pourra exploiter la nostalgie et que l’on transformera en agents de publicité gratuits, grâce aux techniques du rétromarketing.
Bien sûr, Disney vend du divertissement dans le monde entier depuis près de cent ans, commente le spin doctor. Mais il faut constamment renouveler ses consommateurs. C’est ce que permet une saga comme Star Wars, qui pourra toujours compter sur les anciens ados qui la découvrirent en 1977 pour en être des ambassadeurs d’un nouveau film à venir. Et qui, dans le même temps, fera appel à l’attrait pour cette mythologie ainsi qu’à la nouveauté pour attirer les jeunes consommateurs d’aujourd’hui…
#Propaganda, créée et réalisée par Léo Favier (France, 2017, 10 × 6 min).