Des Rohingya fuyant la Brirmanie pour aller au Bangladesh, le 11 novembre. / A.M. Ahad / AP

En visite en Birmanie et au Bangladesh, du 27 novembre au 2 décembre, le pape François utilisera-t-il le terme « Rohingya » pour évoquer la minorité musulmane persécutée en Birmanie, qui la fuit depuis plusieurs semaines ? Le sujet est sensible, car le mot « Rohingya » est tabou en Birmanie.

L’archevêque de Rangoun, Charles Bo, premier cardinal du pays, a d’ailleurs recommandé au pape d’éviter de prononcer ce mot. « Si le pape François utilisait [sur place] le mot “Rohingya”, cela voudrait dire qu’il considère ces musulmans comme un groupe ethnique [birman]. Et cela mettrait les gens en colère », a également prévenu Mgr Alexander Pyone Cho, évêque de Pyay, cité le 4 octobre par Eglises d’Asie, l’agence d’information des missions étrangères de Paris, qui œuvrent à l’évangélisation des pays non chrétiens.

La minorité musulmane des Rohingya n’a en effet pas été reconnue comme faisant partie des cent trente-cinq ethnies répertoriées en Birmanie dans une loi de 1982 instaurée par la dictature militaire, faisant de ses membres des apatrides. Aujourd’hui encore, le gouvernement birman ne reconnaît que les « races nationales », celles présentes dans le pays avant l’arrivée des colons britanniques, en 1823, ce qui n’est pas le cas des Rohingya, selon les officiels birmans.

Le terme « Rohingya » déjà utilisé par le pape

Les Birmans utilisent ainsi plutôt les termes de « musulmans de l’Etat Rahkine » (du nom utilisé par le régime birman pour évoquer la région de l’Arakan) ou « Bengalis », qui renvoie au fait qu’ils sont perçus comme des immigrés illégaux originaires du Bangladesh voisin. Les autorités birmanes estiment qu’ils sont arrivés au moment de la colonisation britannique à la fin du XIXe siècle.

Mais le terme de « Rooinga » fut pour la première fois mentionné dès 1799 par un géographe et botaniste écossais, Francis Buchanan-Hamilton, qui évoquait alors un peuple vivant dans le nord de l’Arakan, dans le sud-ouest de l’actuelle Birmanie. Ils sont encore aujourd’hui près de un million de Rohingya à vivre dans cette région. Et comme le rappelle Le Monde diplomatique, « pour certains historiens, [les Rohingya] viennent de l’Arakan [en Birmanie] ; d’autres les voient en descendants de commerçants et de soldats arabes, mongols, turcs, bengalis, voire portugais et convertis à l’islam au XVe siècle. Pour tous, leur présence sur le sol birman depuis plusieurs siècles est attestée ».

Mais le pape François a déjà pris position en utilisant à plusieurs reprises le terme de « Rohingya ». En février, à la fin de l’audience générale, le souverain pontife avait demandé aux pèlerins présents de prier « pour nos frères et nos sœurs Rohingya ».

« Ce sont des gens bons, des gens pacifiques. Ils ne sont pas chrétiens, ils sont bons, ils sont nos frères et nos sœurs. Et depuis des années ils souffrent : ils sont torturés, tués, simplement pour avoir mis en avant leurs traditions, leur foi musulmane. »

A la fin du mois d’août, le pape François avait dénoncé « la persécution de la minorité religieuse de nos frères Rohingya » et demandé que « tous leurs droits soient respectés ».

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