Amazon veut gagner la bataille du cloud
Amazon veut gagner la bataille du cloud
LE MONDE ECONOMIE
Ripostant à Microsoft et à Google, AWS dévoile de nouveaux outils pour les développeurs
Lors de la grande conférence annuelle organisée par Amazon Web Services (AWS), filiale du géant américain du commerce en ligne, à Las Vegas (Nevada), le 30 novembre. / STAFF / REUTERS
Pour conserver un temps d’avance sur le marché du cloud computing, l’informatique dématérialisée, Amazon Web Services (AWS) parie sur l’intelligence artificielle. Mercredi 29 novembre, en ouverture de sa grande conférence annuelle organisée à Las Vegas (Nevada), la filiale du géant américain du commerce en ligne a dévoilé de nouveaux outils et services destinés à faciliter le travail des développeurs qui souhaitent tirer profit des récents progrès du machine learning. Elle riposte ainsi aux offensives de Microsoft et de Google, ses deux principaux rivaux.
Théorisé dans le courant des années 1980, le machine learning permet de concevoir des programmes informatiques capables d’apprendre seuls. Grâce à l’augmentation de la puissance informatique et au nombre gigantesque de données désormais collectées, la méthode est revenue sur le devant de la scène ces dernières années. Reconnaissance vocale, assistants vocaux, traduction ou encore suggestions personnalisées… Sans le savoir, les internautes et utilisateurs de smartphones utilisent déjà quotidiennement des fonctionnalités issues de l’apprentissage automatique.
Pour autant, « le machine learning reste encore très compliqué, explique Andy Jassy, le patron d’AWS. Nous devons le rendre plus accessible pour l’ensemble des développeurs ». Cette complexité est accentuée par la pénurie d’experts dans le domaine, qui sont le plus souvent recrutés par les géants américains de la high-tech, comme Google, Facebook, Microsoft, Apple et Amazon. « Nos outils vont changer la donne », prédit M. Jassy.
AWS a notamment présenté un nouveau service permettant de simplifier la conception, l’entraînement puis le déploiement des algorithmes de machine learning. La société propose également une librairie de programmes de reconnaissance d’image, de conservation vocale ainsi que de retranscription. « Cela nous permet de focaliser nos efforts sur des problématiques plus spécifiques à notre activité », souligne Kriti Sharma, vice-présidente chargée de l’intelligence artificielle de Sage, un éditeur britannique de logiciels destinés aux professionnels.
« Domaine stratégique »
« Au lieu de coder, il suffit désormais d’assembler des briques déjà existantes qui permettent de créer des algorithmes beaucoup plus rapidement », ajoute Jean-Louis Fuccellaro, directeur général de PredicSis, une société française spécialisée dans l’intelligence artificielle et qui commercialise sa solution sur AWS. « Cela va entraîner un essor des applications intégrant du machine learning au cours des prochaines années », estime-t-il.
Pour AWS, qui facture ses clients selon leurs usages, cette évolution représente une importante opportunité de croissance du chiffre d’affaires. « C’est un domaine stratégique », reconnaît M. Jassy. « Cela prendra du temps avant que le machine learning constitue un immense marché », nuance Lydia Leong, analyste au sein du cabinet Gartner. En attendant, la société de Seattle veut occuper le terrain. D’autant que Microsoft et Google mettent en avant leur expertise dans le domaine pour tenter de rattraper leur retard dans le cloud.
Onze ans après son lancement, la filiale d’Amazon reste le leader incontesté du secteur. Selon Gartner, sa part de marché se chiffre à 44 %, soit davantage que ses neuf principaux rivaux réunis. Et AWS affiche toujours une forte croissance. Sur les neuf premiers mois de l’année, son chiffre d’affaires a crû de 42 %. Il devrait avoisiner les 17 milliards de dollars (14,3 milliards d’euros) cette année. « Nous n’en sommes encore qu’aux débuts », répète pourtant M. Jassy.
Amazon récolte les fruits d’un audacieux pari. La société a été l’une des premières à miser sur ce marché, en proposant à ses clients d’utiliser ses serveurs au lieu de bâtir leur propre infrastructure informatique. Ainsi, les entreprises et les administrations n’ont plus besoin d’investir pour acheter et assurer la maintenance des serveurs – des investissements souvent coûteux et risqués. Elles ne payent plus que ce qu’elles consomment, peuvent adapter leur capacité de trafic et réaliser des changements plus rapidement.
Potentiel de croissance important
AWS revendique « des millions de clients », comme Samsung, Walt Disney, Goldman Sachs, Netflix et de très nombreuses start-up. Mais aussi la CIA, l’agence américaine de renseignement. Le potentiel de croissance demeure important. De nombreuses entreprises n’ont en effet toujours pas basculé vers le cloud. Et celles qui ont migré ne l’ont encore pas fait à 100 %. A terme, prédit Andy Jassy, « très peu d’entreprises posséderont leurs propres data centers ».
Pour Amazon, le cloud est d’autant plus stratégique qu’il est devenu sa principale source de profits. Depuis janvier, AWS a dégagé un bénéfice opérationnel de près de trois milliards de dollars, contre une perte opérationnelle d’un milliard pour les activités de distribution. Cela permet à l’entreprise de Jeff Bezos de poursuivre sa coûteuse politique d’investissements, à l’abri des pressions des marchés financiers. Un luxe dont ne bénéficient pas les autres distributeurs.
Pendant longtemps, le groupe a occupé une position quasi hégémonique sur le marché. Depuis, la concurrence s’est réveillée. Microsoft, Google ou encore Alibaba investissent massivement dans leur infrastructure, leurs services et leurs équipes commerciales. Leur tâche est difficile, car AWS maintient la cadence. « Notre rythme d’innovation s’accélère », assure même M. Jassy, citant le chiffre de 1 300 nouveaux outils lancés en un an.
« AWS dispose d’un écosystème de solutions externes beaucoup plus riche », observe aussi Mme Leong, ce qui accentue un peu plus l’écart avec ses principaux concurrents. Enfin, la société continue d’étendre sa couverture et ses capacités, deux domaines où elle est déjà en avance, avec l’implantation de nouveaux data centers. Trois centres doivent notamment ouvrir avant la fin de l’année dans la région parisienne.