TV – « Sécurité nucléaire : le grand mensonge »
TV – « Sécurité nucléaire : le grand mensonge »
Par Daniel Psenny
Notre choix du soir. France, Belgique, Etats-Unis… Un documentaire implacable sur la vulnérabilité des centrales face au risque terroriste (sur Arte à 20 h 50).
Sécurité nucléaire : le grand mensonge - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31
Voilà des années que les mouvements écologistes et collectifs antinucléaires dénoncent les failles dans la sécurité des installations autour des centrales dans le monde. Après les catastrophes de Tchernobyl, en 1986, puis de Fukushima, en 2011, les Etats ont certes renforcé les mesures de sécurité, mais elles restent très floues et, surtout, classées secret-défense.
Il est ainsi impossible de savoir, y compris pour les élus, si une centrale nucléaire résisterait à une attaque terroriste par un avion, un drone ou un attentat-suicide. A ces modes « classiques », s’ajoute aujourd’hui la cyberattaque qui, pour tenter de s’en défendre, nécessite de considérables moyens financiers et humains. Mais les grands industriels privés qui contrôlent ces centrales – notamment aux Etats-Unis – ont choisi la rentabilité plutôt que la sécurité.
Action de GreenPeace contre la centrale nucléaire de Cattenom en Lorraine en octobre 2017. / © YAMI 2
C’est ce que nous racontent, par le détail, Laure Noualhat et Eric Guéret, dans leur documentaire Sécurité nucléaire : le grand mensonge, une enquête fouillée et effrayante, qui, des Etats-Unis à l’Allemagne en passant par la France et la Belgique, révèle les énormes failles des systèmes de protection de sites nucléaires. Des sites dont la vulnérabilité est très importante, si l’on s’en réfère aux propos tenus par les nombreux experts, politiques et militants antinucléaires que sont allés interroger les deux auteurs. Preuves en imagesne séquence montre des militants de Greenpeace réussissant, sans trop de difficultés, à pénétrer sur le site de Cattenom, en Lorraine, et à tirer un feu d’artifice au pied des piscines de refroidissement de combustible irradié, avant même l’intervention des gendarmes, coincés derrière des grillages de protection…
Pire, ainsi que le rappellent Laure Noualhat et Eric Guéret : l’enquête sur les attentats de Bruxelles de mars 2016 a bel et bien révélé que le nucléaire belge constituait une cible potentielle pour des terroristes en quête d’armes de destruction massive ; les enquêteurs ayant notamment découvert que ce commando avait effectué des repérages autour d’une centrale nucléaire dans laquelle est stocké de l’uranium hautement enrichi. Les experts soulignent aussi qu’aucune norme internationale n’est imposée aux Etats nucléarisés. C’est le cas aux Etats-Unis, qui ont pourtant déjà dû affronter un grave accident en 1979 sur le site de Three Mile Island, en Pennsylvanie. Ils estiment qu’une attaque contre la centrale d’Indian Point, proche de New York – dont on peut s’approcher en bateau sans être inquiété –, obligerait à évacuer trente-cinq millions de personnes.
« Industrie au bord de la faillite »
En son temps, Barack Obama avait tenté de mettre en place un sommet mondial sur la sécurité nucléaire, lequel a vite été abandonné par Donald Trump, soucieux de préserver le lobby nucléaire. « A cause de ses origines militaires, cette industrie a toujours été couverte par le secret, précise Eric Guéret dans un entretien au magazine d’Arte. Or, derrière ce secret, on s’aperçoit que l’industrie nucléaire, notamment en Europe et aux Etats-Unis, est au bord de la faillite et qu’elle n’a pas les capacités financières de sécuriser des installations extrêmement dangereuses. » Un constat qui, sans engagement réel des politiques, risque de perdurer. Et avec lui, la menace qu’il inclut.
Sécurité nucléaire : le grand mensonge, de Laure Noualhat et Eric Guéret (Fr., 2017, 104 min).