Le jeu de cartes phare de Blizzard reçoit une nouvelle extension le 8 décembre. / Blizzard

Trois ans et demi après sa sortie, Hearthstone, le jeu de cartes en ligne de Blizzard, affiche une santé insolente. Sur un créneau extrêmement concurrentiel (Magic online, Gwent, Elder Scroll legends...), le jeu revendique plus de 70 millions d’inscrits, et sa neuvième extension, Kobolds et catacombes, sort vendredi 8 décembre.

« L’idée de départ était d’essayer de reproduire un “dungeon crawl” (l’exploration d’un donjon comme en proposent les jeux de rôle sur table comme Donjons et Dragons», explique Peter Whalen, concepteur de jeu senior sur Hearthstone, de passage à Paris au début de décembre. « Nous avons commencé par réfléchir aux trésors qu’on y trouverait : des armes légendaires, des trésors inconnus, des potions aux effets bizarres et inconnues… Nous avons ensuite conçu des mécaniques de jeu fidèles à cet esprit, puis réfléchi aux autres moyens de rendre l’atmosphère d’un donjon de jeu de rôle, en introduisant une notion d’expérience sur certaines cartes, la capacité de recruter des alliés… »

Finalement, ce sont 130 nouvelles cartes qui viendront s’ajouter aux près de 1 000 cartes déjà sorties, dans une extension qui mélange une aventure jouable en solo et de classiques paquets de cartes à gagner ou à acheter.

« Certaines cartes provoquent des réactions émotionnelles »

Pour ne pas décourager les nouveaux joueurs, plusieurs modes de jeu sont conçus spécifiquement pour les débutants, d’autres pour les joueurs acharnés, et l’un d’entre eux a même été pensé pour les joueurs qui reviennent après une longue absence. Ne pas décourager les nouveaux venus tout en satisfaisant les anciens est un enjeu majeur, note Ben Thompson, directeur artistique du jeu. « Nous parlons beaucoup des nouveaux joueurs — un désigneur dans l’équipe travaille à temps complet sur leur expérience, et nous analysons toutes les statistiques à leur sujet. »

Le souci des détails, l’analyse des statistiques et de l’optimisation permanente font partie de la marque de fabrique de Hearthstone comme des autres jeux de Blizzard. Mais l’équilibrage des jeux de cartes, qui permettent de nombreuses interactions difficilement prévisibles, est particulièrement complexe — ces dernières années, Blizzard a dû modifier après publication l’effet de plusieurs cartes qui déséquilibraient trop le jeu, en se fiant aux analyses statistiques, mais aussi aux retours de joueurs.

« Certaines cartes provoquent des réactions émotionnelles », note Peter Whalen. « C’était le cas notamment du deck voleur quête” [un type de jeu très populaire et considéré comme très puissant, dont la carte principale a été modifiée cette année pour l’affaiblir]. Les joueurs qui perdaient face à ce deck le trouvaient injuste — alors même que nos statistiques montraient qu’il ne gagnait même pas 50 % des parties ! Ce n’était pas non plus le deck le plus joué. Mais quand ils l’affrontaient, les joueurs le trouvaient particulièrement frustrant, et ce ressenti est aussi important. Un jeu équilibré, ce n’est pas à un jeu où tous les decks ont 50 % de chances de victoire — c’est juste un jeu qui est amusant. »

Traductions et e-sport

La recherche de nouveaux joueurs se fait aussi dans de nouveaux pays — le jeu a été récemment traduit en thaïlandais et en japonais. Blizzard ne communique pas le détail du nombre de joueurs actifs mensuels pour chacun de ses jeux, mais il affirme que la forte croissance de cet indicateur — plus fiable que le nombre d’inscrits pour mesurer le succès d’un jeu — provient pour la majeure partie de Hearthstone et de son jeu de tir Overwatch.

Le jeu est également parvenu à se faire une place dans le monde très concurrentiel de l’e-sport. Il figure régulièrement dans le top 5 des jeux les plus suivis sur la plate-forme Twitch, loin derrière les mastodontes Dota 2 et League of Legends, mais proche du succès de l’année, Player Unknown’s Battleground.

Les prix de ses tournois n’atteignent pas non plus ceux dont peuvent bénéficier les jeux d’arène en ligne ou les plus populaires jeux de tir, mais Ben Thompson veut croire que les défauts traditionnels d’un jeu de cartes comme spectacle — parties qui peuvent être lentes, absence de moments spectaculaires à l’écran — ne l’empêcheront pas de continuer à progresser :

« Nous avons porté une attention toute particulière aux animations des cartes, pour rendre les parties plus amusantes à regarder. Et nous avons beaucoup travaillé sur l’affichage des informations à l’écran, pour que le spectateur puisse voir à chaque moment les informations essentielles. »

La question des « loot boxes »

Reste, malgré tout, un point noir pour Hearthstone : son modèle « free to play » — le jeu est gratuit, mais les joueurs peuvent acheter des paquets de cartes aléatoires, comme chez la plupart de ses concurrents. Après la polémique provoquée par la sortie de Star Wars Battlefront 2, qui propose des bonus aléatoires payants, plusieurs régulateurs ont annoncé se pencher sur le sujet des « loot boxes », des contenus aléatoires payants, pour savoir s’ils peuvent être assimilés à des jeux d’argent.

Du côté de Blizzard, on dit étudier le sujet. Bon point pour le jeu dans ce débat, ses cartes ne peuvent pas être revendues — le fait d’offrir des récompenses aléatoires qui peuvent être converties en argent était l’un des trois critères problématiques soulignés par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), le régulateur des jeux de hasard français.