Capture d’écran du site du promoteur lillois Vicity, à l’origine du projet Lillenium.

Dans une France saturée de centres commerciaux concurrencés par le e-commerce, des promoteurs continuent de bâtir des temples dévolus à la consommation. A Lille, la première pierre de Lillenium a été posée, mercredi 13 décembre, en présence de Michel-Edouard Leclerc, PDG de l’enseigne de distribution du même nom, de Rudy Ricciotti, l’architecte du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, et de Martine Aubry, la maire de la ville.

Lillenium est un projet lancé il y a dix ans. Une décennie d’embûches pour tenter de sortir de terre 56 280 mètres carrés de commerces et de loisirs à l’entrée de Lille-Sud, quartier réputé difficile, mais en plein renouvellement urbain.

Pour Martine Aubry, c’est un « projet tellement important, surtout que les 24 000 habitants réalisent 98 % de leurs achats alimentaires en dehors du quartier »

Dès 2008, les deux jeunes promoteurs lillois de Vicity voient grand : un centre commercial de 27 700 mètres carrés sur trois niveaux, 105 cellules commerciales, une quinzaine de restaurants, un hypermarché Leclerc de 5 000 mètres carrés, un hôtel 3 étoiles Hampton by Hilton de 141 chambres, 4 240 mètres carrés de bureaux… Tout cela dans un bâtiment drapé de béton blanc conçu par le grand prix national de l’architecture Rudy Ricciotti sur 28 500 mètres carrés de foncier.

Le projet est ambitieux, mais le montage financier ne suit pas. « On finissait par ne plus y croire », explique Martine Aubry. Pour elle, c’est un « projet tellement important, surtout que les 24 000 habitants réalisent 98 % de leurs achats alimentaires en dehors du quartier ».

Dans ce secteur plombé par le chômage, le commerce local est moribond. L’Intermarché a fermé ses portes en 2014. Même le président de l’Union commerciale de Lille-Sud vient de baisser le rideau de son studio photo. « On nous avait promis Lillenium pour rebooster le commerce, mais jusqu’ici, on n’a rien vu venir », soupire François Desbottes, quatrième génération de photographes installée dans le quartier depuis 1955.

« Argent au plus près des quartiers »

Comment sauver Lillenium, projet à 250 millions d’euros, dont 30 millions investis par l’enseigne Leclerc ? Il y a tout juste un an, Vicity a trouvé, en plus d’un investisseur privé, la Foncière de l’Erable, un nouveau partenaire pour garantir sa participation à 145 millions d’euros. Le groupe 2IMA s’est emparé de 51 % des parts de la foncière Vicity. Et deux autres investisseurs publics sont venus boucler le tour de table financier : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et la Caisse des dépôts.

Que le secteur public vienne investir dans une opération privée a de quoi surprendre. « Vous vous interrogez sur notre présence, mais, historiquement, nous sommes partenaires des élus locaux et de l’Etat, se défend Marc Abadie, directeur du Réseau et des Territoires de la Caisse des dépôts. L’argent que nous allons mettre ici, au plus près des quartiers, c’est l’argent du Livret A des Français ». La Caisse des dépôts débourse 12 millions d’euros de fonds propres, tout comme l’ANRU.

Depuis 2005, l’ANRU investit dans le quartier de Lille-Sud par le biais du Grand Projet de renouvellement urbain (GPRU), un vaste plan de reconstruction et de rénovation de logements et d’équipements à 250 millions d’euros. Déjà 3 200 nouveaux logements sont sortis de terre en plus des deux nouveaux centres sociaux, d’une piscine, d’une salle de spectacle, etc.

Mais Olivier Klein, nouveau président de l’ANRU et maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a confirmé que 12 millions d’euros seraient également apportés au projet privé de Vicity. L’Etat a en effet décidé de doter l’ANRU d’un nouvel outil, un Fonds de coinvestissement, qui lui permet d’investir au côté d’investisseurs privés dans des surfaces commerciales ou dans de l’immobilier de bureau dans tous les quartiers de la politique de la ville.

Parmi les premières opérations accompagnées figure Lillenium, qui sera livré en novembre 2019. « L’activité économique a souvent été oubliée ou trop peu prise en compte dans les programmes de rénovation urbaine, justifie M. Klein. Le partenariat financier de l’ANRU via un coinvestissement est ici exemplaire de l’action publique pour les quartiers populaires et il en appelle d’autres de ce type ». L’ANRU annonce 200 millions de fonds propres à coinvestir dans des projets immobiliers avec des opérateurs privés dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville.