De nombreux millionnaires parmi le gouvernement
De nombreux millionnaires parmi le gouvernement
Par Cédric Pietralunga, Anne Michel
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a publié vendredi les déclarations de patrimoine des membres du gouvernement.
C’est un exercice auquel les hommes politiques sont aujourd’hui habitués mais toujours à risque pour l’exécutif. Conformément à la loi relative à la transparence de la vie publique adoptée en 2013, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié, vendredi 15 décembre, les déclarations de patrimoine de la quasi-totalité des trente-deux membres du gouvernement d’Edouard Philippe.
Nommés lors du mini-remaniement du 24 novembre, les secrétaires d’Etat Olivier Dussopt et Delphine Gény-Stephann disposent d’un délai supplémentaire et leur patrimoine ne sera pas publié avant quelques semaines.
Accusé par l’opposition d’être le « président des riches », Emmanuel Macron compte une douzaine de millionnaires dans son équipe gouvernementale.
Le patrimoine le plus élevé est détenu par Nicole Pénicaud, la ministre du travail, qui a déclaré posséder pour plus de 7,5 millions d’euros de biens. L’ex-directrice des ressources humaines de Danone est propriétaire de deux maisons, l’une dans les Hauts-de-Seine (estimée à 1,3 million d’euros), l’autre dans la Somme (340 000 euros), mais elle possède également des valeurs mobilières (contrats d’assurance vie, instruments financiers, etc.) pour quelque 5,9 millions d’euros.
Nicolas Hulot posséde neuf véhicules à moteur
Deuxième ministre le mieux loti, Nicolas Hulot a déclaré à la HATVP un patrimoine de plus de 7,2 millions d’euros, composé d’une maison de plus de 300 mètres carrés en Corse (1 million d’euros), ainsi que de plusieurs autres biens immobiliers en Côtes-d’Armor et en Savoie, d’une valeur totale de 1,9 million. A cela s’ajoute la société Eole, qui encaisse les droits d’auteurs et royalties des produits dérivés Ushuaïa (shampoings, etc.), dont la valeur est estimée à 3,1 millions d’euros, ainsi que des valeurs mobilières d’environ 1,2 million d’euros. Détail amusant, le ministre de la transition écologique et solidaire possède neuf véhicules à moteur (six voitures, un bateau, une moto et un scooter).
En comparaison, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, possède un patrimoine plus modeste, estimé à un peu plus de 1,7 million d’euros, où l’on trouve un appartement parisien (1,25 million d’euros), un appartement en Seine-Maritime (400 000 euros) et des valeurs mobilières d’environ 56 000 euros.
Il est à noter que le premier ministre, qui avait en 2014, alors qu’il était maire du Havre et député de Seine-Maritime, écopé d’un blâme de la part de la HATVP pour une déclaration incomplète et fantasque assortie d’annotations manuscrites ironiques, s’est cette fois plié à l’exercice avec sérieux.
Le moins bien nanti du gouvernement est Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, qui possède moins de 50 000 euros de biens, principalement représentés par un terrain – non constructible – de deux hectares situé dans le Nord (estimé à 30 000 euros). Une « fortune » qui place l’ancien député Les Républicains parmi les Français les plus modestes.
158 000 euros brut, patrimoine moyen d’un ménage français
Selon l’Insee, le patrimoine moyen est de 158 000 euros bruts par ménage en France. Les 10 % des Français les plus riches détiennent 595 700 euros d’actifs et les 1 % les plus favorisés disposent de plus de 1,95 million d’euros.
Selon la Haute Autorité, tous les ministres se sont prêtés de bonne grâce, et dans les délais, à l’exercice de transparence. Sur la base des informations qui lui ont été transmises, ainsi que des vérifications effectuées auprès de l’administration fiscale mais aussi des banques et des notaires, le collège de la HATVP n’a pas relevé d’anomalies graves, qui auraient nécessité une observation publique ou pire, un signalement au parquet.
Néanmoins, un tiers des déclarations « de situation patrimoniale » des membres du gouvernement ont donné lieu à des échanges entre la HATVP et les déclarants, et des demandes de précisions ou de rectifications « techniques », portant sur des éléments manquants, incomplets voire erronés (quote-part, usufruit ou nue-propriété etc.), ont été effectuées, selon la Haute Autorité.
Trois situations particulières
Il s’agit d’une proportion certes importante mais comparable, par exemple, à celle constatée pour les députés de la précédente législature (2012-2017).
Trois situations particulières ont particulièrement retenu l’attention de la HATVP : celles de Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes, de Nicole Belloubet, garde des sceaux, et de Nicolas Hulot, qui ont été priés de réévaluer leur patrimoine, dans le cadre de déclarations rectificatives séparées.
Ainsi, Mme Loiseau a dû rehausser de 400 000 euros la valeur de son appartement de 190 m2 à Paris (à 2 millions d’euros) et Mme Belloubet, de son côté, a dû rajouter à un patrimoine immobilier déjà conséquent, ses parts dans deux appartements à Paris et une maison dans l’Aveyron, pour une valeur vénale supplémentaire de 336 000 euros (environ 1 million d’euros au total). Celles-ci ne figuraient nulle part dans sa première déclaration. Quant à M. Hulot, il avait lui aussi omis, dans sa longue liste de biens, des parts dans une maison et un appartement, pour une valeur cumulée de 157 000 euros.
« Pas de quitus ad vitam aeternam »
Toutes les déclarations publiées vendredi restent sous le contrôle de la HATVP durant toute la durée des fonctions ministérielles des déclarants, celle-ci se réservant la possibilité d’en réexaminer la véracité, si de nouvelles informations lui parvenaient… signalées par des citoyens ou par la presse. « Ces premières vérifications constituent une étape importante. Mais elles n’ont pas valeur de quitus ad vitam aeternam », souligne-t-on à la HATVP.
Quand à Emmanuel Macron, c’est la déclaration qu’il a effectuée lorsqu’il s’était porté candidat à l’élection présidentielle qui reste valable. A la différence de ses ministres, celle-ci n’a pas été contrôlée par la HATVP, la loi alors en vigueur ne le prévoyant pas. Mais celle sur la confiance dans la vie publique du 15 septembre 2017 a changé les règles. Du coup, la Haute Autorité sera amenée à contrôler sa déclaration à la fin de son mandat… en 2022.