Pologne : la Commission européenne prête à agir pour sauvegarder l’Etat de droit
Pologne : la Commission européenne prête à agir pour sauvegarder l’Etat de droit
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
La Commission, qui se dit prête à déclencher la première phase de l’article 7 des traités, s’alarme des lois récemment adoptées remettant en cause l’indépendance des juges.
European flags fly at half-mast in front the European Commission in Brussels on April 10, 2017, in tribute to the victims of the Stockholm truck attack on April 7 that killed four people and injured 15. In the attack on April 7, 2017, the assailant, an Uzbek man whom police believe is a jihadist sympathiser, ploughed a stolen beer truck down a bustling pedestrian street in the heart of Stockholm before crashing it into the facade of the busy Ahlens department store. / AFP PHOTO / EMMANUEL DUNAND / EMMANUEL DUNAND / AFP
La pression est montée brutalement à l’égard du gouvernement polonais lors du conseil européen des 14 et 15 décembre. Selon nos informations, la Commission européenne se dit désormais prête à déclencher la première phase de l’article 7 des traités, recommandant aux Vingt-Huit de constater un risque « clair » de violation « grave » de l’Etat de droit dans un pays membre.
Les commissaires européens devraient aborder cette épineuse question lors de leur prochaine réunion, mercredi 20 décembre. La procédure pourrait être lancée dans la foulée. Elle n’a encore jamais été utilisée contre un Etat membre mais peut aller jusqu’à sa mise au ban, par une privation de ses droits de vote au Conseil européen. Ce dispositif avait été imaginé après le bras de fer survenu entre l’Union européenne et l’Autriche, lorsque l’extrême droite était entrée au gouvernement à Vienne, en 2000.
La Commission, qui a tenté en vain d’établir un dialogue avec Varsovie, s’alarme des lois récemment adoptées en Pologne ayant pour effet, selon elle, de remettre en cause l’indépendance des juges. Le gouvernement, contrôlé par le parti PiS ultraconservateur, a fait adopter début décembre la refonte à la fois du Conseil national de la magistrature, chargé de la nomination et de la déontologie des juges, et de la Cour suprême. Pour l’opposition polonaise, il s’agit d’une politisation alarmante du système judiciaire.
« Laisser une chance aux discussions »
Ces deux lois avaient fait l’objet d’un veto du président Andrzej Duda, lui-même membre du parti PiS au pouvoir, en juillet. Mais les tractations avec la majorité du PiS au Parlement polonais n’ont abouti qu’à des modifications à la marge de ces textes. Or, dès cet été, la Commission s’était engagée sans ambiguïtés à agir.
C’est le message que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a transmis au tout nouveau premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, qu’il a rencontré jeudi à Bruxelles. « M. Juncker devait lui dire que son gouvernement disposait encore de quelques jours pour renoncer à ses lois », selon un diplomate bruxellois. Emmanuel Macron l’aurait aussi mis en garde vendredi, lors d’un premier tête-à-tête.
Le président français a en tout cas réitéré son soutien à la Commission. Si elle « juge qu’elle doit déclencher la procédure [article 7.1], alors nous soutiendrons la Commission, a-t-il souligné, lors d’une conférence de presse commune avec Mme Merkel. Je souhaite pour ma part que la Pologne puisse faire les efforts nécessaires pour lever les ambiguïtés qui persistent et rassurer les Etats membres et la Commission. J’ai plutôt l’impression que c’est l’intention du nouveau premier ministre. Il faut laisser une chance à ces discussions et à ces aménagements dans les prochains jours ».
La chancelière Merkel s’est aussi affichée derrière la Commission, vendredi. Mais il faudra davantage que Paris et Berlin pour que la procédure de l’article 7, même son premier volet, ait une chance de suivre son cours au Conseil européen. Une majorité des quatre cinquièmes des pays membres est en effet nécessaire, soit 22 capitales, pour que les recommandations de la Commission soient adoptées.
Le compte y sera-t-il le moment venu, si Varsovie maintient ses textes ? Difficile à dire : la Hongrie du premier ministre Viktor Orban a déjà assuré qu’elle n’irait pas jusqu’à l’étape ultime de la procédure « article 7 », la privation des droits de vote, rendant cette sanction fort improbable, puisqu’elle nécessite l’unanimité à Bruxelles pour être activée.
Le premier ministre Morawiecki s’est montré presque fataliste à Bruxelles, reconnaissant devant les journalistes que la Commission « activera probablement » mercredi 20 décembre l’article 7. « Mais, entre le début d’une telle procédure injuste à notre égard et sa conclusion, nous parlerons certainement à plusieurs reprises avec nos partenaires », a-t-il ajouté. Le seul fait qu’une quinzaine de capitales soutiennent l’article 7.1 représenterait un camouflet pour Varsovie.