Pour le médecin malgache Ely Rakotoarimanana, tout est affaire de foi. Cet ophtalmologue, qui s’est également spécialisé en oto-rhino-laryngologie (ORL), brandit sans cesse sa croyance pour justifier son engagement humanitaire. « En tant que chrétiens, nous devons faire la dîme et consacrer à des œuvres caritatives le dixième de ce que nous gagnons », explique-t-il. Mercredi 20 décembre, la fondation Positive Planet, créée par l’économiste français Jacques Attali, lui a remis le prix « Positive Rural » qui récompense des initiatives de micro-entrepreneurs à travers le monde.

Dans son centre de santé, Ely Rakotoarimanana propose des consultations pré- et postnatales, des accouchements, des consultations générales et même des soins dentaires pour les démunis. « Je travaille avec ma femme, qui est médecin spécialisée en échographie et en maladies tropicales, nous ne sommes que tous les deux. […] Des gens viennent chez nous à 5 heures du matin après avoir marché quatre ou six heures. On sera toujours là pour eux », promet-il sans réserve.

Après avoir commencé sa carrière dans un service médical privé, le docteur Rakotoarimanana a décidé d’orienter sa carrière vers une approche plus sociale. Il ouvre en 2001 son propre cabinet à Sabotsy Namehana, une commune difficile d’accès bien qu’elle ne soit qu’à 10 km de la capitale. « Au début, nous n’avions que deux patients par jour. Aujourd’hui, nous en recevons entre 700 et 850 par mois », se remémore celui qui, deux ans après l’ouverture du centre, a commencé à « prendre gratuitement en charge des écoles primaires publiques, soit 1 500 enfants ».

Déserts médicaux

Avec près de 80 % de la population qui vit avec moins de 1,60 euro par jour, des déserts médicaux et un personnel médical insuffisant, la santé est souvent un luxe à Madagascar. Une fois par mois, le docteur Rakotoarimanana se déplace donc, au volant de son 4x4, dans les zones enclavées où l’« on voit de tout », soupire-t-il tandis que ses mains s’agitent nerveusement sur la table.

Longtemps, ce père de six enfants a voulu porter l’uniforme militaire, jusqu’à ce que sa mère le pousse à choisir la blouse blanche. « Être docteur était une mission parce que je viens d’une famille modeste. […] Comme je n’avais pas les moyens de m’acheter les livres d’étude, je devais les copier à la main auprès des autres. C’était très laborieux, mais j’y suis arrivé. »

Aujourd’hui, son emploi du temps se divise entre son action humanitaire et son activité de praticien privé. Prestataire de santé à la mutuelle Hareva – créée par la fondation Positive Planet –, il propose à ses patients le tiers payant pour limiter les prix des consultations mais aussi fidéliser et augmenter la croissance de son cabinet. « Avec 7 euros par an, toute une famille est assurée, la mutuelle prend en charge 70 % des dépenses de santé », déclare-t-il.

Et quand on lui demande ce qu’il prévoit de faire avec les 1 000 euros qui accompagnent son prix : « Nous allons démarrer notre unité de soin d’urgence et d’échographie mobile », répond-il, les yeux brillants à peine dissimulés par ses lunettes. « Avec ma femme, on se dit qu’on peut changer le monde », conclut-il avec la ferveur du croyant.