Au lendemain de festivités de Noël plus sobres que d’habitude, les Libériens votent, mardi 26 décembre, pour élire leur nouveau président lors d’un second tour qui oppose une légende du football, George Weah, au vice-président sortant, Joseph Boakai.

Après des semaines d’imbroglio juridique né de la contestation des résultats du premier tour du 10 octobre, les urnes vont enfin désigner le successeur d’Ellen Johnson Sirleaf, seule femme à avoir été élue chef d’Etat en Afrique. Les bureaux de vote seront ouverts de 8 heures à 18 heures aux quelque 2,1 millions d’électeurs de ce petit pays anglophone. Les premiers résultats sont attendus quelques jours plus tard.

Lundi, des camions chargés de matériel électoral, escortés par des voitures de police, ont quitté la Commission électorale nationale (NEC) en direction des bureaux de vote, ont rapporté des journalistes de l’AFP. « Je n’ai pas fermé l’œil depuis trois jours. On fait tout pour que tout se passe bien car cette élection est cruciale », a confié un policier.

Initialement prévu le 7 novembre, le second tour avait été suspendu in extremis par la Cour suprême à la suite de recours du candidat arrivé troisième le 10 octobre, Charles Brumskine (9,6 %), appuyé par M. Boakai (28,8 %), qui avait dénoncé des « fraudes et irrégularités ». George Weah était quant à lui arrivé en tête avec 38,4 % des voix.

Ralliement de Prince Johnson

La date finalement choisie, après l’échec de ces plaintes, a perturbé les célébrations de Noël. « Nous ne pouvons pas faire la fête car nous devons voter demain », a expliqué lundi Emmanuel Johnson, un habitant de Monrovia de 27 ans. « L’atmosphère est totalement différente. En raison des élections mais aussi parce que les gens n’ont pas d’argent », a relevé Samuel Mehn, un père de famille nombreuse de 54 ans.

George Weah, star du Paris-Saint-Germain et du Milan AC dans les années 1990, part favori après être arrivé en tête au premier tour dans onze provinces sur quinze. Il bénéficie du ralliement du sénateur et ancien chef de milice Prince Johnson (8,2 %) et du parti de Charles Brumskine.

« Vous savez que j’ai participé à des compétitions, dont certaines difficiles, et que j’en suis sorti victorieux », a déclaré à l’AFP George Weah, qui, à 51 ans, reste très populaire auprès des jeunes. « J’ai le peuple avec moi, un grand parti et une coalition puissante. Je me suis préparé pour diriger ce pays et la victoire sera nôtre », a ajouté l’ancien attaquant, qui a marqué les esprits en rassemblant samedi des dizaines de milliers de partisans dans le plus grand stade de Monrovia.

George Weah affirme avoir tiré les leçons de ses deux échecs face au « ticket » présidentiel Sirleaf-Boakai, comme candidat à la présidence en 2005 puis à la vice-présidence en 2011. Il s’est fait élire en 2014 sénateur de la province de Montserrado, la plus peuplée du pays, et a choisi comme colistière Jewel Howard-Taylor, ex-femme de l’ancien chef de milice puis président (1997-2003) Charles Taylor et influente sénatrice du Bong, autre important réservoir de voix.

Première transition démocratique

« La victoire est mienne », a répondu dimanche Joseph Boakai, 73 ans, bien qu’il n’ait réuni qu’une centaine de militants à son quartier général dimanche soir. « Nous prions pour qu’ils fassent que cette élection soit libre, juste et crédible », a ajouté le vice-président sortant, très critique ces dernières semaines envers la Commission électorale nationale.

Mme Sirleaf, qui ne pouvait plus se représenter, cédera le 22 janvier le pouvoir à son successeur, élu pour six ans. Ce scrutin marquera ainsi la première transition démocratique depuis trois générations dans ce pays ravagé par une guerre civile ayant fait quelque 250 000 morts entre 1989 et 2003 et entré en récession en 2016 sous l’effet de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et de la chute des cours des matières premières.

Il tournera également une page dans l’histoire nationale. Car aucun des deux candidats n’appartient à l’élite « américano-libérienne », issue d’esclaves affranchis, qui a dominé la plus ancienne république d’Afrique depuis sa création, à l’exception de la présidence de Samuel Doe (1980-1990).