« L’Echange des princesses » : des Bourbons frelatés
« L’Echange des princesses » : des Bourbons frelatés
Par Thomas Sotinel
Marc Dugain ne propose à l’écran qu’une vue fragmentaire du roman historique de Chantal Thomas.
C’est une famille pleine de petits talents et de gros défauts comme les aime le cinéma français. A la différence des Tuche, les Bourbons portent perruque et vivent en des palais. Mais ils ne valent pas mieux. C’est ce que démontrait brillamment Chantal Thomas dans L’Echange des princesses, qui narre la façon dont le régent Philippe d’Orléans organisa les noces simultanées de sa fille, Melle de Montpensier, à Louis, infant d’Espagne, et de son neveu le dauphin Louis (futur XV) à la demi-sœur de Louis, Marie Anne Victoire. C’était en 1722, les époux avaient, dans l’ordre, 12, 15, 13 et 4 ans.
Marc Dugain a voulu porter à l’écran ce roman construit sur les Mémoires du duc de Saint-Simon et les correspondances entre les cours de France et d’Espagne. Chantal Thomas en avait fait un édifice délicat et grotesque. Mettant en jeu la fragilité des enfants, elle faisait ressortir avec plus de violence l’obscénité d’un système qui n’avait qu’un seul concurrent dans son acharnement à faire le malheur de tous : la maladie – petite vérole, choléra… – qui s’abat sans distinction sur les grands et les humbles.
Mais comment mettre en scène ces corps d’enfants ou d’adolescents échangés en fonction de leurs capacités reproductives, bientôt attaqués par les virus et les bacilles ? Ces figures altières de maniaco-dépressif (Philippe V d’Espagne, sous les traits de Lambert Wilson) et de jouisseur machiavélique (le régent, Olivier Gourmet) ? Il faudrait des moyens et une audace qui ont manqué.
Face au défaut d’argent, Marc Dugain a préféré le détail et l’allusion à la stylisation ou à l’ellipse. L’escorte de Melle de Montpensier comptait des cavaliers par centaines ? Ils ne seront plus qu’une douzaine. Elle fut accueillie à Madrid par un autodafé lors duquel des hérétiques furent brûlés ? On en parlera au dîner. En espérant que ces lacunes seront comblées par les clairs-obscurs de la belle photographie de Gilles Porte.
Jeu de patience
Plus ennuyeuse encore est la gêne que le cinéaste témoigne à l’encontre de ce qui fait l’essence même du récit de Chantal Thomas : l’obscénité. Dépeinte comme une enfant impubère atteinte de boulimie, la fille du régent devient ici une teen-ager un peu rebelle, qui finit par trouver le chemin du cœur de son fiancé ; à la cour de France, l’affaire était un peu moins grotesque.
La petite dauphine ne resta pas assez longtemps au côté du futur Louis XV pour que le mariage fût consommé. Il n’empêche que, en attendant, le dauphin était la proie de courtisans lubriques. Tout cela est évoqué par petits fragments, comme si l’on avait affaire à un jeu de patience qui attend encore d’être assemblé. C’est juste assez pour donner envie de lire L’Echange des princesses.
L'échange des princesses, de Marc Dugain
Durée : 01:45
Film français de Marc Dugain. Avec Olivier Gourmet, Lambert Wilson, Kacey Mottet-Klein, Anamaria Vartolomei, Catherine Mouchet (1 h 40). Sur le Web : www.advitamdistribution.com/films/lechange-des-princesses