Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins ?
Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins ?
Par Laetitia Van Eeckhout
Le projet des Grands Voisins se révèle être un tremplin pour les associations, start-up et artisans y ayant pris part, comme pour les personnes en réinsertion.
L’ancienne lingerie de Saint-Vincent-de-Paul devenue, avec le projet des Grands Voisins, un foyer, bar, restaurant convivial où se croisaient occupants du site, public extérieur, et personnes en réinsertion. / Lisa George / Yes We Camp
Que vont devenir les quelque deux cent cinquante structures qui ont pris part au projet des Grands Voisins dans le 14e arrondissement de Paris ? Le 31 décembre, cet espace partagé entre start-up, associations, artisans et personnes en insertion sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, ferme ses portes. Certes, il rouvrira le 1er avril pour une nouvelle saison de vingt-six mois. La Ville de Paris, la mairie du 14e arrondissement et Paris Batignolles Aménagement ont en effet décidé de prolonger l’expérience pour en faire un laboratoire de l’innovation urbaine. Mais seule une quarantaine de structures déjà présentes sur le site participera à la phase de préfiguration du futur écoquartier. Toutes les autres devront avoir déménagé d’ici au 31 décembre.
Un seul occupant pour l’heure se refuse à quitter les lieux, multipliant les coups d’éclat devant la presse pour dénoncer son « exclusion » des Grands Voisins. « Tous les partenaires savaient dès le début qu’ils étaient soumis à un engagement de départ avant la fin de 2017, rappelle et défend William Dufourcq, responsable du site pour l’association Aurore. Les règles du jeu étaient connues. Et à cette exception près, tous ont pris les devants pour quitter les lieux en temps et en heure. » Si certains souhaitent s’implanter à nouveau dans un lieu temporaire, d’autres partent s’installer dans des locaux classiques, seuls ou à plusieurs souvent.
Mises en réseau
« L’écosystème qui s’est créé aux Grands Voisins a été un formidable catalyseur de rencontres, de mises en réseau. Et il nous a permis de nous consolider et de gagner de nouveaux débouchés », apprécie Do Huynh, de Carton plein, une association d’insertion qui collecte et valorise des cartons usagés. Avec quatre autres acteurs rencontrés aux Grands Voisins, elle a trouvé un nouveau local dans le 11e arrondissement afin de monter un projet d’accompagnement de personnes en grande précarité, alliant travail, santé, culture.
« Il y avait un vrai esprit entrepreneurial. Nous avons pu échanger avec d’autres sur les clés d’une bonne gestion. C’est précieux lorsque l’on se lance. Cela nous a clairement aidés à nous structurer », abonde Simon Moisière, jeune architecte qui, en s’installant aux Grands Voisins, a pu lancer sa propre agence avec trois de ses confrères. Installée désormais dans le centre de Marseille, la jeune pousse a apprécié de bénéficier pour se lancer d’une adresse parisienne et d’un local suffisamment grand pour son activité, à moindre coût.
« De toute évidence, le projet des Grands Voisins a eu un effet de tremplin : en offrant une opportunité d’installation à bas coût, il a permis à certaines structures de naître, à d’autres de se développer, en économisant leur poste de dépense immobilier », observe Cécile Diguet, urbaniste et autrice d’une enquête de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de l’Ile-de-France (IAU IF) sur l’urbanisme transitoire, « Optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ? », à paraître en janvier 2018.
Aux Grands Voisins, la diversité des animations proposées au public et des activités s’est révélée un vrai levier de socialisation pour les personnes en insertion. Ici, stage de fonte de bronze à la cire perdue, animé par le sculpteur Salif Dermé. / Elena Manente / YES WE CAMP
Tremplin immobilier pour des associations, start-up, artistes, artisans, le projet des Grands Voisins a aussi été un tremplin vers l’emploi pour les personnes en réinsertion suivies par l’association Aurore. « Le fait d’avoir quinze cents personnes qui passent, travaillent en permanence sur le site génère des besoins. Or ces besoins sont autant d’opportunités pour les personnes en insertion de mettre la main à la pâte, et de se remettre dans une logique de travail. L’animation du site et son ouverture au public sont en soi un vrai levier de socialisation », constate William Dufourcq, qui se félicite du taux de sortie vers l’emploi atteint pour un public en grande précarité. Au cours des deux premières années du projet, 53 % des personnes suivies par Aurore ont fini par intégrer un emploi, et 6 % une formation.
Lors de la phase de préfiguration, il est prévu de garder 190 places d’hébergement (contre 600 en 2017) Et le maintien dans le futur écoquartier d’un centre d’accueil d’urgence a même définitivement été acté… sans susciter aucune contestation des riverains.