Au Sénégal, le procès de Khalifa Sall à nouveau ajourné dans une ambiance de kermesse
Au Sénégal, le procès de Khalifa Sall à nouveau ajourné dans une ambiance de kermesse
Par Salma Niasse (contributrice Le Monde Afrique, Dakar)
Les partisans du maire de Dakar, jugé pour « détournement de deniers publics », étaient venus en masse. L’audience a été reportée au 23 janvier.
Le maire de Dakar Khalifa Sall.
Le procès du maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, qui s’est ouvert le 14 décembre 2017, a repris mercredi 3 janvier en audience spéciale au palais de justice de la capitale. Mais, à la demande des avocats de l’édile, les plaidoiries sont de nouveau renvoyées au 23 janvier avec une précision de la cour : « Aucun autre renvoi ne sera accepté. A cette date, le dossier sera retenu », a lancé Malick Lamotte, le président du tribunal de grande instance, qui a ainsi clos la séance.
Avant de statuer sur cette conclusion, les différentes parties ont débattu près de deux heures autour des arguments juridiques présentés par la défense dans une salle qui comptait un grand nombre des partisans du maire de Dakar. Comme à l’accoutumée, le maire est arrivé en boubou blanc dans la salle d’audience, précisément à 8 h 40. Mais, en plus du traditionnel « Khalifa président ! », les militants ont aujourd’hui chanté « Joyeux anniversaire ! » pour celui qui fêtait ses 62 ans le 1er janvier. Avant l’arrivée de la cour, la salle d’audience a vite pris des allures de meeting avec une foule turbulente qui, téléphone en main, se met à se filmer. « Du jamais-vu », murmure-t-on sur les bancs de la presse.
« Un million deux mille témoins »
Enfin, un peu après 9 heures, place aux débats avec, notamment, la lettre de demande de renvoi de la défense parvenue à la cour hier. Parmi les arguments de celle-ci, l’absence d’avis d’audience envoyé à certains des avocats de Khalifa Sall, la citation à comparaître de plusieurs témoins – dont l’actuel ministre des finances, Amadou Bâ – et un dossier d’instruction incomplet. « Aujourd’hui, nous considérons que l’affaire n’est pas en état. C’est pourquoi nous demandons qu’elle soit renvoyée d’office pour être régularisée », avance Me François Sarr, nommé pour l’occasion porte-parole des avocats de Khalifa Sall.
Khalifa Sall, en détention provisoire depuis le 7 mars 2017, et ses sept coprévenus, doivent répondre de dépenses non justifiées pour plus de 2,7 millions d’euros. Leur procès, qui s’est ouvert le 14 décembre 2017, avait été « d’office renvoyé » par le juge.
Pour le parquet et la partie civile qui représente l’Etat du Sénégal, ces requêtes ne sont que des prétextes trahissant une défense pas suffisamment préparée. « Toutes ces demandes visent à retarder le procès. Nous connaissons tous la stratégie utilisée qui consiste à gagner du temps. Mais nous avons étudié le dossier et sommes prêts pour le plaider », argue Me Moussa Félix Sow, l’un des avocats de l’Etat.
« Pourquoi, dans cette affaire, la défense a-t-elle peur d’aller au fond du dossier ? », interroge le procureur de la République, Bassirou Guèye, dans une diatribe théâtrale. « Si vous acceptez la demande de citation à comparaître, la défense nous présentera un million deux mille témoins ! Et le procès durera jusqu’à notre retraite. On demandera à présenter le président de la République des Fidji, des Comores et même la maire de Paris qui se mêle d’une affaire qui ne la concerne en rien », tacle M. Guèye sur un ton sarcastique, déclenchant rires et indignation de l’auditoire.
Exclu du Parti socialiste
Le Conseil de Paris avait adopté le 12 décembre 2017 un « vœu » visant à créer « un observatoire international des maires en danger » pour la protection des élus, parmi lesquels Khalifa Sall, qu’il estime « emprisonné à cause de son bilan et de ses ambitions politiques ». Le maire de Dakar, également député depuis les législatives d’août 2017, est, selon ses partisans, victime de ses déboires judiciaires car dissident du Parti socialiste. Son exclusion officielle du parti a d’ailleurs été prononcée le 30 décembre.
Le procès de l’édile s’annonce donc tendu. A Dakar, ce mercredi, le dispositif de sécurité avait d’ailleurs été renforcé. Pas moins de quatre postes de contrôle pour arriver à la salle d’audience numéro 4, des portiques de sécurité et des détecteurs de métaux remis en marche pour l’occasion, les quartiers avoisinant le tribunal fermés au public. « Depuis hier, aux alentours de 20 heures, le secteur a été bouclé. Les forces de l’ordre ont fait une descente et nettoyé toute la zone depuis le quartier de Reubeuss », raconte Maty Diop, une étudiante en droit qui a fait la queue dès 5 heures du matin pour pouvoir assister à ce procès qu’elle juge « historique », confie-t-elle.