Sécurité routière : l’utilisation d’éthylotests antidémarrage devrait être renforcée
Sécurité routière : l’utilisation d’éthylotests antidémarrage devrait être renforcée
Par Rafaële Rivais
L’arsenal judiciaire permettant d’imposer des éthylotests antidémarrage aux personnes prises en alcoolémie délictuelle existe. Mais les magistrats ne s’en servent pas.
Le gouvernement doit entériner, mardi 9 janvier, à l’occasion d’un comité interministériel de la sécurité routière (CISR), un plan pour faire reculer le nombre de morts sur les routes, reparti à la hausse.
Outre la limitation à 80 km/h sur les axes routiers secondaires à double sens, ce plan devrait aussi inclure une mesure pour l’installation d’éthylotests antidémarrage (EAD) dans les véhicules des personnes prises en alcoolémie délictuelle (supérieure à 0,8 g/l) et des récidivistes.
L’EAD sert à mesurer l’alcoolémie dans l’air expiré. Il empêche le démarrage du véhicule si le conducteur a dépassé le taux d’alcool autorisé, de 0,25 milligramme par litre d’air expiré (0,1 pour les personnes qui ont un permis probatoire).
L’alcool au volant est la cause de quelque 30 % des accidents mortels.
En la matière, la France dispose pourtant déjà d’un arsenal judiciaire complet permettant d’imposer cette peine. Mais les magistrats ne s’en servent pas.
Que dit la loi ?
La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite Loppsi 2 du 14 mars 2011 a permis à l’autorité judiciaire d’interdire la conduite d’un véhicule ne comprenant pas d’EAD, soit à titre de peine complémentaire (qui s’ajoute à l’amende, à la prison ou à la perte de points), soit à titre de mesure de composition pénale, pendant une durée allant de six à soixante mois.
La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines a permis de l’élargir aux peines alternatives à l’emprisonnement.
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, promulguée le 19 novembre 2016, a étendu le recours au cadre du contrôle judiciaire, du sursis avec mise à l’épreuve, de la contrainte pénale, de la peine aménagée ou de la libération conditionnelle ou sous contrainte.
Mais les juridictions ne prononcent pas ces peines.
Pourquoi ces peines sont-elles peu utilisées ?
La justice invoque le manque d’installateurs d’EAD agréés par l’Union technique de l’automobile du motocycle et du cycle (UTAC).
Les installateurs ne se bousculent pas, du fait de l’absence de marché. En octobre 2015, seuls 37 départements disposaient d’installateurs qualifiés et agréés. Manuel Valls, alors premier ministre, demandait que la France soit « équipée dans les six mois ».
Un effort d’information a été fait par la Sécurité routière, et il y a aujourd’hui « plus de 150 installateurs », indique cette dernière. L’UTAC a agréé deux équipementiers, Dräger (allemand) et Lion Laboratories (britannique). Deux autres équipementiers, Alcolock et Sesaly, lui en ont fait la demande.
Dräger et Lion Laboratories ont formé des installateurs – en général des électromécaniciens poids lourds, chargés du contrôle tachygraphe, ou de la pose d’EAD sur les autocars. Leur formation a été validée par un examen que fait passer l’UTAC.
« Si le marché n’a pas décollé, c’est à cause du coût, affirme M. Perrier. Il faut en effet compter quelque 1 500 euros à l’achat. Nombre d’usagers font donc le choix de ne pas récupérer leur permis. « C’est la raison pour laquelle nous proposons des EAD à la location », indique le PDG de Lion Laboratories France. Il faut alors compter de 96 à 34 euros par mois, le prix étant dégressif en fonction de la durée de la peine.
Avec 130 000 contrevenants alcool par an, le marché pourrait être de 30 à 40 000 équipements – sans compter les clients qui souhaitent s’équiper volontairement (et qui le peuvent déjà).
Comment les pouvoirs publics envisagent-ils de généraliser le dispositif ?
A la suite du CISR du 2 octobre 2015, un arrêté applicable au 1er décembre 2016 a donné aux préfets la possibilité d’imposer un dispositif EAD. Il est testé depuis 2017 dans quatre départements (Finistère, Nord, Drôme, Marne).
Les médecins de la commission médicale peuvent donner au préfet un avis favorable à la restitution du permis, sous deux conditions : l’usager fait installer à ses frais un EAD homologué et il accepte un suivi médico-psychologique dans un établissement spécialisé en addictologie.
Une mention indique sur son permis qu’il doit détenir un EAD. En cas de contrôle sur la route, la fraude peut entraîner une peine d’amende de 1 500 euros.
Le dispositif devrait être étendu à l’ensemble de la France en 2019.