Qui est Serigne Mountakha Bassirou, nouveau calife des mourides du Sénégal ?
Qui est Serigne Mountakha Bassirou, nouveau calife des mourides du Sénégal ?
Par Matteo Maillard (Dakar, correspondance)
Respecté par ses pairs pour son humilité, le religieux de 88 ans est devenu le huitième dignitaire de la confrérie soufie.
Vue de la Grande Mosquée de Touba au Sénégal, lors du pèlerinage de la fête religieuse du Magal, en novembre 2017. / Matteo Maillard
C’est une présence discrète mais toujours reconnaissable dans les grandes cérémonies de la confrérie soufie des mourides. Un collier de barbe blanche surmonté parfois de lunettes qui cachent deux épais sourcils d’un blanc éclatant eux aussi. Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a été nommé, mercredi 10 janvier, huitième calife général des mourides, prenant la place de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, mort le 9 dans la ville sainte de Touba, au Sénégal.
A 88 ans, celui que l’on surnomme déjà « le calife de la continuité » est une personnalité consensuelle habituée des prêches d’union et des prières mortuaires solennelles. Un religieux « détaché des mondanités et doté d’un franc-parler exceptionnel », selon le journal Enquête. L’« intendant des mystères de Serigne Touba » est surtout le plus âgé des petit-fils du fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba, dit Serigne Touba, mort en 1927.
Durant sa carrière, Serigne Mountakha a occupé les rôles de bras droit, d’homme de confiance et d’émissaire sous les magistères de plusieurs califes généraux. Il hérite ainsi à son tour de la plus haute fonction religieuse de cette confrérie islamique considérée comme la plus importante du Sénégal avec trois millions de fidèles estimés et une influence certaine sur la vie publique comme les affaires politiques du pays.
Mercredi, au lendemain de la mort du septième calife général dont le règne a duré sept ans et sept mois, le président Macky Sall s’est rendu à Touba, ville-Etat de la confrérie, présenter les condoléances de la nation à la communauté mouride. Puis, vêtu d’un boubou immaculé, il s’est dépêché à Darou Miname pour faire les éloges du huitième calife, où l’émotion de certains fidèles a créé des bousculades jusqu’à la résidence de Serigne Mountakha.
Grand propriétaire terrien
« Nous avons la foi que le nouveau calife pourra, avec l’aide de Dieu, bâtir de grandes choses pour l’islam et le mouridisme », a clamé le chef de l’Etat, assurant son engagement « à poursuivre les efforts de l’Etat auprès de la communauté mouride dont l’œuvre sera préservée et entretenue. »
Considéré comme un homme de dialogue, cultivé, rassembleur et respectueux de l’orthodoxie mouride, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a grandi dans l’ombre de ses frères. Il a étudié le Coran et les préceptes de son grand-père, fondateur de la confrérie, d’abord sous l’égide de son père Serigne Bassirou, puis en Mauritanie. Le 30 août 2007, il sort de sa retraite religieuse et se fait connaître des fidèles lorsqu’il reprend le titre de calife du fief familial de Darou Miname à la suite de la mort de son frère Serigne Moustapha Bassirou Mbacké. Une fonction qu’il a assuré pendant dix ans.
Au fil des années, il entre dans la sphère des dignitaires de Touba, devenant le bras droit du calife général Serigne Sidi Mokhtar Mbacké qui le charge alors des inaugurations de mosquées. Ce dernier lui accorde sa confiance dans la conduite des affaires religieuses de la cité de Touba, jusqu’à lui laisser l’honneur en novembre 2017 de l’inauguration du Magal, la plus grande fête religieuse du Sénégal qui commémore le départ en exil du fondateur de la confrérie.
Le « Lamp Fall », plus haut minaret de la Grande Mosquée de Touba au Sénégal, lors du pèlerinage du Magal en novembre 2017. 'est la célébration religieuse majeure de la confrérie soufie des Mourides.C / MATTEO MAILLARD
Respecté par ses pairs pour son humilité et sa piété, il devient « un élément incontournable dans la marche de la cité religieuse », selon le quotidien Sud. Grand propriétaire terrien, il contribue pour 72 millions de francs CFA (110 000 euros) à la construction de la mosquée de son village. Outre sa résidence, il possède des champs à Darou Salam Typ où il a créé une daara (école coranique) et enseigne à de nombreux disciples les enseignements de son grand-père.
Lors de son allocution mercredi, il a tendu la main aux guides des autres confréries islamiques du Sénégal (un pays où la population est à 90 % musulmane) comme aux autres religions, poursuivant ainsi l’héritage de concorde religieuse et de pacification instituée par ses prédécesseurs. Il a assuré que sa démarche resterait fidèle aux préceptes mouridiques : adoration de Dieu et culte du travail.