Notre-Dame-des-Landes : la gendarmerie se prépare à une opération d’ampleur
Notre-Dame-des-Landes : la gendarmerie se prépare à une opération d’ampleur
Par Julia Pascual
Trente à quarante escadrons de gendarmerie mobile pourraient être mobilisés pour ce qui s’annonce comme l’une des opérations les plus délicates de son histoire en métropole.
Une structure bloquant la route départementale qui traverse la ZAD de notre-Dame-des-Landes, le 9 janvier 2018. / LOÏC VENANCE / AFP
A la veille d’une décision du gouvernement sur l’avenir de Notre-Dame-des-Landes – et la possible évacuation de la zone – la gendarmerie nationale se prépare à engager l’une des manœuvres de maintien de l’ordre les plus délicates de son histoire, sur le sol métropolitain.
Les difficultés qu’anticipent les militaires relèvent de plusieurs facteurs. D’ordre tactique, elles tiennent notamment à la configuration de la ZAD (« zone à défendre »). Ses occupants sont disséminés sur un espace rural étendu et accidenté – fait de champs, de bosquets, de bois et de sentiers boueux – et en partie aménagé. Les forces de l’ordre ne peuvent donc pas jouer sur un effet de surprise et sont contraintes à une progression lente – accentuée par la lourdeur de leurs équipements – et, par conséquent, plus exposée.
« Les opérations de maintien de l’ordre en milieu rural sont complexes parce que, à la différence d’un environnement urbain très encagé, l’adversaire est mobile, dispersé et il peut avoir préparé le terrain », ajoute le général à la retraite Bertrand Cavallier, ancien commandant du centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier. L’évacuation de la zone devrait se faire par une progression à pied, mais la gendarmerie n’exclut pas de mobiliser ses véhicules blindés – d’ordinaire employés pour des opérations de maintien de l’ordre outre-mer – et y compris de solliciter des moyens logistiques du génie de l’armée de terre pour, par exemple, déblayer des obstacles, tels que des barricades, déloger des opposants de leurs cabanes perchées ou rétablir la viabilité de certains axes.
Des opposants hétérogènes et déterminés
L’hétérogénéité des opposants à l’évacuation de la ZAD, mêlant écologistes, black blocs, familles, riverains ou encore agriculteurs, est une complexité supplémentaire pour les forces de l’ordre. Actuellement, entre 200 et 300 personnes seraient présentes sur place mais, selon la décision prise par le gouvernement, des centaines, voire des milliers, d’opposants peuvent vouloir les rejoindre. A l’automne 2012, après l’échec de l’opération « César » – une tentative d’expulsion massive de plusieurs semaines –, des milliers de personnes s’étaient réunies sur place (40 000, selon les organisateurs) pour une manifestation de « reconquête ».
La détermination de certains à résister, y compris de façon violente, à leur délogement, est aussi un élément pris en compte par les gendarmes. « L’affrontement sera, à mon sens, inévitable », avance Frédéric Le Louette, président de l’association professionnelle GendXXI. Il se déroulera dans un contexte de « pression médiatique accrue, poursuit-il. La gendarmerie devra être irréprochable, tout en subissant des gens qui n’ont rien à perdre ». La confrontation sur le terrain sera doublée d’une guerre des images. « La communication est un aspect très important », concède à son tour le haut gradé de la gendarmerie.
La mort de Rémi Fraisse, tué par l’explosion d’une grenade offensive sur la ZAD de Sivens (Tarn), en 2014, est présente dans les esprits. Si l’usage des grenades offensives a depuis été interdit, les militaires disposent d’un panel d’armes de force dite « intermédiaires », à l’image des grenades de désencerclement ou lacrymogènes ainsi que des lanceurs de balle de défense. « Il y aura des blessés des deux côtés, voire des morts », prévient un dirigeant de la gendarmerie. « C’est une opération compliquée, mais on n’est pas à la veille de la bataille de Verdun », tient toutefois à tempérer un autre haut gradé.
Trente à quarante escadrons mobilisés
D’après des informations émanant de plusieurs sources, entre trente et quarante escadrons de gendarmerie mobile pourraient être mobilisés en cas d’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, soit aux alentours de 2 500 militaires, pendant deux à trois semaines au moins. L’hypothèse d’une évacuation de la ZAD pour construire l’aéroport serait, en outre, consommatrice d’effectifs dans le temps, puisqu’une partie d’entre eux devra continuer d’occuper le terrain pour s’assurer qu’il n’est pas réinvesti et que les travaux puissent être conduits.
Pendant le temps de l’évacuation, il faudra, enfin, mobiliser des unités de forces mobiles, gendarmes ou compagnies républicaines de sécurité (CRS), sur les axes routiers conduisant à la ZAD, mais aussi à Nantes et à Rennes, où des manifestations pourraient avoir lieu, ainsi qu’à d’autres endroits du territoire où sont envisagées des manifestations et des actions pouvant viser, par exemple, des équipements de Vinci, l’entreprise concessionnaire de l’aéroport.
Si le projet d’aéroport est abandonné, deux scénarios sont envisagés : le gouvernement peut décider d’évacuer la ZAD ou il peut envisager de permettre à certains occupants de se maintenir sur place. Cette dernière hypothèse aurait l’avantage de désamorcer toute une partie de l’opposition, notamment celle des agriculteurs qui ont déjà manifesté avec 150 tracteurs en 2016 pour protéger notamment les exploitations agricoles.