Après le massacre de quatorze bûcherons au Sénégal début janvier, une réglementation visant le trafic de bois a été prise en conseil des ministres, mercredi 17 janvier. Le président, Macky Sall, a demandé à son gouvernement « de suspendre jusqu’à nouvel ordre toutes les autorisations de coupe de bois et de procéder sans délai à la révision du Code forestier ». Une mesure qui s’applique à l’ensemble du territoire sénégalais et qui vise à enrayer le trafic de bois, à l’intérieur du pays comme en direction des nations limitrophes que sont la Gambie et la Guinée-Bissau.

Poumon vert du Sénégal, la Casamance, région agricole et arboricole où ont eu lieu les assassinats, est en proie à un important trafic de bois précieux. Si l’on ne connaît pas encore l’étendue des dispositions qui seront mises en place afin d’assurer l’applicabilité et l’efficacité d’une telle mesure, pour Haïdar El Ali, militant écologiste et ancien ministre sénégalais, le gouvernement fait un pas dans la bonne direction.

« Il est nécessaire de lutter contre la déforestation de nos régions, dit-il. Depuis des années, un trafic de bois de vène a cours entre le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau. En 2015, selon les douanes chinoises, entre 5 000 et 7 000 conteneurs de bois sénégalais ont transité par la Gambie jusqu’en Chine », pays où le bois précieux est notamment prisé pour le mobilier de luxe.

Si ce commerce a diminué depuis la chute de l’autocrate gambien Yahya Jammeh, en janvier 2017, les mafias du bois continuent de trafiquer des troncs issus de forêts protégées, comme celle de Bayotte, lieu du massacre. « Mes sentinelles en Casamance m’avertissent que des charrettes et des camions remplis de troncs partent à destination de scieries locales ou étrangères, poursuit Haïdar El Ali. J’espère que cette mesure du gouvernement permettra de mieux contrôler les camions qui emprunteront les routes du trafic. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, tous les véhicules transportant du bois sont considérés comme frauduleux. »

Règlement de comptes

Mais dans cette vaste région où des milices se sont formées pour pallier l’impuissance des gendarmes et des douaniers, jugés trop peu nombreux pour endiguer le trafic, l’application de cette interdiction paraît compliquée. « Il faut que l’Etat dresse avec les gouvernements de la sous-région un plan Marshall de protection de notre environnement, des forêts jusqu’à nos ressources halieutiques », avance Haïdar El Ali.

Mercredi, en conseil des ministres, le chef de l’Etat a demandé « aux forces de défense et de sécurité d’engager tous les moyens requis afin de neutraliser durablement toutes les bandes armées qui sévissent sur l’ensemble du territoire national ».

L’annonce de cette mesure laisse croire que les autorités privilégient la piste d’un règlement de comptes lié au trafic de bois plutôt qu’au conflit indépendantiste casamançais. Au lendemain des exécutions du 6 janvier, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) avait été immédiatement montré du doigt par de nombreux médias et politiques. Les rebelles avaient réfuté ces accusations, présentant leurs condoléances aux familles des victimes et imputant la responsabilité aux trafiquants de bois, avec la supposée complicité des autorités.

Si le gouvernement s’est jusqu’à présent gardé de désigner des coupables, de nombreux témoins ont fait état d’échanges de tirs à proximité des zones revendiquées par la rébellion, et des camps du MFDC ont été pilonnés au mortier dans le cadre de la traque des responsables du massacre. Le 14 janvier, l’enquête a mené à l’arrestation de 22 personnes.