Des policiers armés à Davos, lundi 22 janvier. / Markus Schreiber / AP

Oubliés le ski, la luge et les raquettes. La petite commune de Davos, dans le canton des Grisons, va vivre pendant quatre jours au rythme du Forum économique mondial (WEF). Vendeurs de chaussures, confiseurs et coiffeurs ont confié leur boutique à Accenture, Salesforce ou HSBC, qui y recevront leurs visiteurs. En 2017, même la petite église évangélique avait été revisitée de fond en comble pour se convertir en temple des médias. Les paroissiens avaient tiqué, mais le chèque était conséquent…

A Davos, tous les chemins mènent au palais des congrès, où se tiennent l’essentiel des 400 conférences du programme officiel. Encore faut-il y arriver. Il n’est pas rare d’apercevoir un banquier ou une dame en fourrure chuter sur les trottoirs gelés. Passer la sécurité n’est pas une mince affaire non plus. Tireurs d’élite dispersés ici et là, patrouilles d’hélicoptères, barrages et miradors, l’armée suisse est sur le pied de guerre pour s’assurer que les grands de ce monde sont protégés. La Suisse impose en outre des restrictions strictes dans l’espace aérien au-dessus de Davos durant le forum.

Précautions diplomatiques

Cette sécurité renforcée représente un coût estimé à 9 millions de francs suisses (7,6 millions d’euros) pour 2018. Le WEF prend 2 millions à sa charge, le reste étant financé par la ville de Davos, le canton des Grisons et la Confédération helvétique. Un bon placement. Une étude menée par l’université de Saint-Gall a, en effet, chiffré à 79 millions d’euros les revenus générés pour la Suisse par le raout international. La confédération y voit également « une opportunité unique de cultiver des relations avec des grandes figures » de la planète.

Plus de 10 000 personnes écument les rues du village ou les travées du palais des congrès. Aux plus de 3 000 participants attendus s’ajoutent en effet les journalistes, les membres de la sécurité et 1 400 employés de Publicis Life, qui gère depuis 1995 la logistique de l’événement. L’étroitesse des lieux rend la tâche compliquée. En particulier, les capacités hôtelières s’avèrent de plus en plus insuffisantes.

C’est Publicis qui alloue les nuitées, en fonction de critères subtils fixés par le WEF, où doivent figurer une bonne part de précautions diplomatiques. Le forum a beau être apolitique, il veille aux susceptibilités des uns et des autres. En 2017, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, grand défenseur de la cause tibétaine, avait été gentiment prié de renoncer à sa séance de méditation quotidienne au palais des congrès le jour où le président chinois Xi Jinping était attendu.

Plus fort que les Rolling Stones

Ce n’est pas le moindre des miracles de Davos, les conférences démarrent et s’achèvent à l’heure. « Cela fonctionne comme un mécanisme de montre suisse, sourit Jean-Loup Dénéréaz, chargé des services et des événements au WEF, il nous est arrivé d’avoir des sueurs froides, mais le plus important c’est que les participants ne l’ont jamais senti ».

Sorte de Tinder de Davos, l’application TopLink permet aux festivaliers de s’informer, se diriger, se contacter. C’est sur cette plate-forme que l’enregistrement s’opère pour les conférences aux places limitées : pire qu’un concert des Rolling Stones, une minute après l’ouverture des inscriptions, celles de Carlos Ghosn, le PDG de Renault, ou Michael Corbat, le directeur général de Citigroup, affichaient complet.

En marge, le « Davos off » suit le même rythme effréné. Les pétroliers, les industriels de l’hydrogène ou encore les fonds d’investissement en profitent pour deviser à huis clos à propos des enjeux propres à leur industrie. Mais attention aux dérapages, des juristes veillent à ce qu’aucune pratique anticoncurrentielle ne se glisse dans ces discussions…