Etats-Unis : 2,3 % de croissance en 2017, et après ?
Etats-Unis : 2,3 % de croissance en 2017, et après ?
Par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
La croissance américaine a marqué le pas au quatrième trimestre, à 2,6 % en rythme annuel, repassée sous l’objectif de 3 % que s’est fixé Donald Trump.
Vue de l’entrée de la bourse de New York, Wall Street. / Richard Drew / AP
La croissance américaine est solide mais ne s’emballe pas. Le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis a progressé de 2,6 % au quatrième trimestre, selon la première estimation publiée vendredi 26 janvier par le département du commerce. Ce chiffre est inférieur aux attentes et aux chiffres des deuxième et troisième trimestres où l’économie avait atteint un rythme de croisière supérieur à 3 %.
Il n’empêche pour l’ensemble de 2017, première année de mandat de Donald Trump, les Etats-Unis ont vu leur économie progresser de 2,3 %. C’est mieux que la dernière année de Barack Obama (1,3 %) mais moins bien que 2015 (2,9 %). L’économie a été dopée par la consommation de ménages et l’investissement, mais pénalisée par la forte hausse des importations et une constitution de stocks plus faibles que prévus.
Comparaison avec la fin des années 1990
L’enjeu est de savoir si l’économie américaine dépassera, en 2018, 3 % de croissance, comme le clame le locataire de la Maison Blanche et veut le croire Wall Street, qui n’en finit pas de battre des records, ou si les Etats-Unis finiront par connaître une correction voire une récession après huit ans de reprise.
Les observateurs comparent la situation non pas à celle qui prévalait avant 2007 – la folie du surendettement est beaucoup plus faible, même le sujet existe, par exemple sur les prêts étudiant ou l’immobilier commercial en pleine surchauffe alors qu’Amazon lamine le secteur — mais à celle de la fin des années 1990 : chacun s’entichait alors de la nouvelle économie, valorisant à l’excès toutes les start-up avant que n’éclate la bulle internet en 2000. Pour l’instant, Wall Street et les Américains refusent d’envisager ce dernier scénario.
Les entreprises annoncent depuis le début de l’année des bénéfices en forte hausse et vont pour la plupart bénéficier de la réforme fiscale. La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) et la taxation forfaitaire des profits parqués à l’étranger pourrait induire un surcroît d’investissements aux Etats-Unis. Apple l’a fait annonçant 30 milliards d’investissements et 38 milliards d’impôts supplémentaires. D’autres pourraient suivre.
Il n’est pas certain que cette réforme ne se résume comme ce fut le cas sous George W. Bush en 2002, à un pur effet d’aubaine permettant de rémunérer les actionnaires, car la baisse de l’IS est cette fois structurelle : les Américains s’engagent dans la concurrence fiscale pour attirer les investissements. On peut ajouter une bonne nouvelle pour 2018, les compagnies énergétiques, en particulier les producteurs de gaz de schiste, devraient profiter de l’embellie des cours du pétrole et d’une déréglementation assez fortes des contraintes environnementales.
Les particuliers sont eux aussi à la fête : ils ont consommé fortement fin 2017 et devraient le faire, grâce à la réforme fiscale voire aux premières tensions sur les salaires, les Etats-Unis étant proches du plein-emploi. Voilà pour le scénario rose qui s’inscrit dans un contexte de reprise mondiale généralisée.
Imprévisibilité de l’équipe au pouvoir
Outre une possible correction boursière déclenchée par la hausse des taux, une crise (géo)politique, ou la baisse des profits, plusieurs dangers se profilent.
La baisse du chômage n’est pas forcément positive. La pénurie de main-d’œuvre pourrait finir par brider l’économie, surtout si l’Amérique se ferme à l’immigration – Donald Trump assure toutefois vouloir attirer les meilleurs. La participation à l’emploi reste médiocre mais l’inadéquation de l’offre de la main-d’œuvre (souvent des personnes mal formées, en partie victime de la crise des opioïdes) ne laisse guère espérer d’amélioration.
S’y ajoutent des problèmes d’imprévisibilité de l’équipe au pouvoir, comme l’a montré le cafouillage à Davos sur le dollar, qui a fortement baissé depuis 9 mois. Le secrétaire d’Etat au trésor Steve Mnuchin s’est dit satisfait d’un dollar faible à court terme avant que Donald Trump ne dise le contraire. La déprécation du billet vert d’ailleurs n’a pas dissuadé les consommateurs américains d’acheter des produits importés – ce qui explique la croissance moins forte qu’espérée au quatrième trimestre. Et montre que le commerce international ne se pilote pas mécaniquement avec des manipulations s de change.
Second risque, justement, le commerce international, alors que les Américains renégocient avec les Canadiens et les Mexicains l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et imposent des sanctions commerciales à leurs partenaires asiatiques. Cette attitude peut avoir des effets à court terme – des constructeurs automobile réinvestissent sur le sol américain pour éviter les barrières douanières – mais pénalisera à terme les multinationales américaines, qui vendent leurs services à travers la planète.
La troisième inconnue concerne la réserve fédérale, qui devrait augmenter ses taux jusqu’à trois reprises. Les observateurs craignent avant tout une erreur de pilotage de la Fed, qui agirait trop lentement ou trop brusquement. Avec sa présidente sortante Janet Yellen et son adjoint Stanley Fischer, la Fed perd deux des meilleurs experts mondiaux de la politique monétaire au profit de Jerome Powell, qui ne dispose pas ce pedigree académique.