Himalaya : l’opération de secours n’a pas permis de retrouver l’alpiniste Tomek
Himalaya : l’opération de secours n’a pas permis de retrouver l’alpiniste Tomek
Par Patricia Jolly
La Française Elisabeth Revol a pu être sauvée, mais pas l’alpiniste polonais avec lequel elle tentait l’ascension hivernale du Nanga Parbat
L’hélicoptère de secours part pour le Nanga Parbat le 27 janvier. / SOCIAL MEDIA / REUTERS
L’une soigne de graves gelures aux mains et aux orteils dans un hôpital d’Islamabad ; l’autre repose sur les flancs du Nanga Parbat, le neuvième plus haut sommet du monde, qui culmine à 8 126 m d’altitude, dans la partie pakistanaise de l’Himalaya.
Dans la nuit de samedi 27 à dimanche 28 janvier, l’alpiniste française Elisabeth Revol, 37 ans, a été secourue par une cordée polonaise, mais le mauvais temps n’a pas permis de retrouver son compagnon de cordée, le Polonais Tomasz Mackiewicz, surnommé « Tomek », 43 ans et père de trois enfants.
Le duo tentait pour la troisième fois l’ascension hivernale du Nanga Parbat et redescendait du sommet lorsqu’il a demandé des secours par téléphone satellite, dans la nuit de jeudi à vendredi 26. Adeptes du style alpin — qui privilégie légèreté et rapidité et bannit le recours aux porteurs, aux cordes fixes et à l’apport d’oxygène artificiel —, les deux himalayistes très expérimentés se sont retrouvés pris dans le mauvais temps.
Souffrant de gelures et d’ophtalmie des neiges, présentant des signes d’œdèmes cérébral et pulmonaire, « Tomek » s’est réfugié dans une crevasse à 7 280 m d’altitude, dans l’espoir que des secours terrestres puissent arriver jusqu’à lui, tandis qu’Elisabeth Revol rassemblait ses dernières forces pour tenter de rallier le camp de base, sans eau et sans nourriture, et de sauver sa vie.
Elisabeth Revol, Française de 37 ans, et Tomasz Mackiewicz, Polonais de 43 ans, sont bloqués depuis vendredi 26 janvier 2018 sur le Nanga Parbat. / GOFUNDME.COM
« Danger extrême »
Les proches des deux grimpeurs ont dû lancer une collecte en ligne par l’intermédiaire d’un site de financement participatif afin de lever le minimum de 50 000 dollars (40 000 euros) sans la garantie desquels aucun hélicoptère de l’armée pakistanaise – qui coordonne les secours sur place – n’aurait décollé.
Elisabeth Revol est parvenue à redescendre en dessous de 6 000 m par ses propres moyens, tandis que deux hélicoptères militaires acheminaient quatre alpinistes d’une expédition polonaise de haut niveau, présente dans le secteur, pour tenter l’ascension du K (8 611 m), le deuxième sommet de la planète, tout proche et que nul n’a jamais gravi en hiver.
Le Polonais Adam Bielicki et le Kazakho-Polonais Denis Urubko, respectivement âgés de 34 et 44 ans, qui se sont portés volontaires pour secourir leurs collègues en détresse font partie des meilleurs grimpeurs de leur génération. Ils ont ainsi réussi une opération de sauvetage hors norme. Déposés à 5 200 m d’altitude, ils sont partis à la rencontre d’Elisabeth Revol, gravissant de nuit, en 3 heures 30, un dénivelé de plus de 1 000 m sur une pente vertigineuse. Ils l’ont finalement retrouvée dans la nuit de samedi à dimanche, tandis que deux autres de leurs compatriotes les attendaient au camp de base du Nanga Parbat avec du matériel de secours et de soins.
Aux petites heures du matin, dimanche, le trio a cependant dû renoncer à venir en aide au compagnon de cordée de la Française. « Urubko et Bielecki vont redescendre avec Elisabeth, a annoncé le logisticien de la jeune femme sur sa page Facebook. Le sauvetage de Tomasz est malheureusement impossible. Les conditions météorologiques et l’altitude mettraient la vie des sauveteurs dans un danger extrême. C’est une décision terrible et douloureuse. Notre tristesse est immense. »
Deux himalayistes chevronnés
La position de Tomasz Mackiewicz, à plus de 7 000 m d’altitude, interdisait toute tentative de secours héliporté, les appareils ne pouvant voler en sécurité au-dessus de 6 000 m.
Himalayistes chevronnés, Elisabeth Revol et Tomasz Mackiewicz, qui tentaient pour la troisième fois de gravir le Nanga Parbat en hiver, en étaient cette fois venus à bout. En 2008, la Française, professeure d’éducation physique et sportive dans un collège de la Drôme, qui prend des congés sans solde pour mener à bien ses expéditions, avait enchaîné en seize jours en solitaire et sans apport d’oxygène les ascensions du Broad Peak (8 051 m), du Gasherbrum I (8 080 m) et du Gasherbrum II (8 035 m).
En 2009, elle avait perdu un autre compagnon de cordée, l’alpiniste tchèque Martin Minarik, âgé de 42 ans. Avec lui, elle avait atteint le pilier est de l’Annapurna avant de se replier, alors que le vent leur interdisait de poursuivre leur ascension vers le sommet central (8 091 m). Martin Minarik avait disparu dans la descente. Ce drame avait conduit la jeune femme à mettre entre parenthèses ses expéditions sur les cimes pour se consacrer au raid multisport.
Mariée à un antiquaire drômois, elle a renoué avec les projets himalayens en 2013, faisant de la première ascension hivernale du Nanga Parbat – alors non encore réalisée – son objectif. Le 17 janvier 2015, elle s’était hissée jusqu’à 7 800 m avec Tomasz Mackiewicz avant de renoncer en raison de la météo. Et c’est l’Italien Simone Moro qui a finalement réussi cette première hivernale, en février 2016, avec l’Espagnol Alex Txikon et le Pakistanais Ali Sadpara. En mai 2017, Elisabeth avait renoué avec la réussite en gravissant Lhotse, un sommet satellite de l’Everest culminant à 8 516 m, en solo et sans oxygène artificiel.