« Sparring » : Mathieu Kassovitz, jusqu’au dernier round
« Sparring » : Mathieu Kassovitz, jusqu’au dernier round
Par Thomas Sotinel
Dans la peau d’un boxeur, filmé par Samuel Jouy, l’acteur insuffle force et grandeur tragique.
Parmi les adjectifs qui peuvent venir à l’esprit en voyant Sparring : modeste, petit, familier. Ce qui suffit à garantir un film confortable. Il faut y ajouter : fort, ce qui élève le premier long-métrage de Samuel Jouy au-dessus du tout-venant de la production française. Cette force, Sparring la doit en grande partie à Mathieu Kassovitz. Le réalisateur de L’Ordre et la Morale et interprète de la série Le Bureau des légendes (Canal+) insuffle au personnage de Steve Landry, boxeur semi-professionnel, une part de grandeur tragique qui lui permet de prendre place aux côtés d’autres pugilistes malheureux à l’écran, le Bill Thompson de Robert Ryan dans Nous avons gagné ce soir, de Robert Wise, ou le Ernie de Jeff Bridges dans La Dernière Chance, de John Huston.
On ne pouvait imaginer plus ordinaire que la famille Landry, du Havre. Papa Steve (Mathieu Kassovitz) travaille dans la restauration collective, maman Marion (Olivia Merilahti) est coiffeuse, Aurore (Billie Blain), l’aînée, prend des cours de piano, Oscar, le cadet, n’a pas encore de soucis. Steve est aussi boxeur et – la quarantaine passée – approche de son cinquantième combat (trente-trois défaites, treize victoires, un nul). Les promoteurs ne veulent plus de lui sur le ring. Quand se présente l’occasion de devenir le sparring-partner de Tarek M’Bare (Souleymane M’Baye, acteur débutant, champion WBA super-légers), Steve Landry y voit l’occasion de gagner assez d’argent pour acheter un piano à sa fille et trouver une place dans le monde de la boxe, qui rendrait justice à son expérience.
Une ascèse inconsciente
On trouvera dans le déroulement du scénario de Samuel Jouy quelques-uns des clichés inhérents au genre, des facilités sentimentales. On les verra à peine, tant on est fasciné par le personnage principal. Mathieu Kassovitz façonne la dévotion de Steve à son sport comme une ascèse inconsciente. Le boxeur est incapable de formuler ce qui le pousse à remonter sur un ring (une séquence assez drôle le montre essayant en vain de suivre les élucubrations d’un de ses collègues en sparring qui lui expose une théorie pugilistique), malgré les échecs répétés. Arrivé au terme de sa carrière, le tourment de l’échec est insupportable, d’autant que sa fille est arrivée à l’âge où le regard des enfants sur les parents se dessille.
Les allers-retours de Steve entre le paysage urbain brut du Havre et les ors du casino de Deauville, dans le théâtre duquel Tarek M’Bare s’entraîne, rythment l’oscillation du personnage qui voudrait être père et rester athlète, la première option impliquant l’acceptation du passage du temps, la seconde, le risque de la blessure et de la maladie. A l’hollywoodienne, Samuel Jouy trouve un compromis entre les deux options. Mathieu Kassovitz a installé une telle familiarité entre les gens dans la salle et ce type blessé et courageux à l’écran que l’on accueille avec soulagement cette ruse de scénario.
Et s’il fallait encore une raison d’aller voir Sparring, on la trouvera dans l’apparition brève, mais indélébile, d’Yves Afonso dans le rôle d’un vieil entraîneur. Dans le regard clair et un peu brouillé de l’acteur mort le 21 janvier, on voit le reflet du destin d’éternel second rôle que Mathieu Kassovitz a endossé le temps d’un film et de quelques rounds.
SPARRING - Bande-annonce officielle [Mathieu Kassovitz, Olivia Merilahti]
Durée : 01:47
Film français de Samuel Jouy. Avec Mathieu Kassovitz, Olivia Merilahti, Souleymane M’Baye, Billie Blain (1 h 34). Sur le Web : www.europacorp.com/fr/films/sparring et www.facebook.com/Sparring.LeFilm