Il est comme ça… Nicolas Hulot
Il est comme ça… Nicolas Hulot
Par Philippe Ridet
Chronique. A 62 ans, le ministre de l’environnement a enfin remporté une victoire avec l’abandon de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Damien Cuypers pour M Le magazine du Monde
Une victoire, enfin, nette et sans bavure. Avec l’abandon de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Nicolas Hulot, ministre de l’environnement et numéro 3 du gouvernement, peut triompher. Opposé à ce projet, sans en faire la condition de sa participation à l’exécutif, il s’est bien gardé de se mettre en avant. Mais on se demande ce qu’il aurait continué à faire dans la team Philippe s’il avait été désavoué. A part peut-être composer des menus bio à l’Elysée et à Matignon. Déjà qu’il avait dû avaler la couleuvre du renouvellement de la licence du glyphosate par la Commission européenne, le report au-delà de 2025 de la baisse à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique et l’autorisation d’abattre 40 loups gris prédateurs de brebis (#balancetonloupgris). Pour un peu, on lui aurait reproché de posséder neuf véhicules à moteur, trois maisons et 7,3 millions d’euros de patrimoine…
N’était sa nature discrète, Nicolas Hulot pourrait faire le tour du terrain la tête cachée dans son maillot et les bras écartés. N’était sa nature renfrognée, il pourrait même sourire. Mais son dab préféré ne ressemble à aucun autre. Avec son air de Droopy (« You know what ? I’m happy »), il garde les mains croisées sur sa veste, le regard ailleurs (inaptitude au bonheur ? blessures d’enfance ?). Bref, jamais content !
Ses ennemis – il en a malgré sa popularité – étaient déjà prêts à instruire un nouveau procès. « Le passe-plat des lobbies », avait commenté début novembre le porte-parole des Verts. Ah, Les Verts, qui lui ont préféré la juge Eva Joly en 2012 ! Ah, Les Verts, qu’il n’a pas voulu affronter en 2007, alors qu’il était plus populaire que l’abbé Pierre et Zidane, préférant soumettre un pacte écologique aux candidats qui se sont empressés de l’accepter pour mieux l’oublier. « L’escrologiste », « le télécologiste », « l’hélicologiste », disait-on alors de Nicolas Hulot, dont la notoriété devait tout à la télévision et à son émission « Ushuaïa », où on le voyait nager avec des baleines et survoler la cordillère des Andes en ULM.
Daniel Cohn-Bendit confiait alors : « Nicolas a un léger problème de refus d’obstacle. » Et Noël Mamère de préciser : « C’est un boxeur qui n’aime pas prendre des coups et répugne à en donner. » En 2011, dans une version antédiluvienne du magazine du Monde, Nicolas Hulot avait déclaré : « Pour faire avancer les choses, j’ai usé jusqu’à la corde la position de privilégié qui était la mienne. » On le sentait prêt à essayer autre chose.
Depuis qu’il a opté pour le port de la chemise à col officier et l’exercice des responsabilités, le voilà rentré dans le rang. Adulte presque. En tout cas patient et prêt à assumer de petites défaites pour obtenir de plus grands succès. Après avoir refusé d’être le ministre de Chirac, Sarkozy et d’Hollande, qui voulaient s’attribuer son image d’écologiste préféré des Français (mais pas des Verts !), il a cédé à Macron, conscient qu’on ne peut dire « non » tout le temps au risque de passer pour un allumeur. A 62 ans, c’est ridicule. Devenu grand, il a appris à composer avec ses désirs. « Je me donne un an pour voir si je suis utile », confiait-il après sa prise de fonctions. Sans Notre-Dame-des-Landes, encore cinq mois à prendre des râteaux, et il aurait eu une réponse claire.