Le Monde

Le Burkina Faso n’a plus la fibre OGM. Les semences génétiquement modifiées filent un mauvais coton dans ce pays africain. Le gouvernement burkinabé se dit prêt à jeter le gant technologique. Et à inciter les agriculteurs à replanter des graines « traditionnelles » dans leur champ.

Et pourtant, le Burkina Faso faisait figure de pionnier. Dans les années 2000, il avait accepté, comme le Soudan, d’ouvrir les portes de son marché aux semences de coton OGM. « Ce pays s’est tourné vers les OGM, car il était confronté à la difficulté de se fournir en produits de protection des plantes », explique Michel Debrand, directeur de Vilmorin Afrique. La pression de l’américain Monsanto et du suisse Syngenta pour mettre le pied dans la porte a fait le reste.

Il est vrai que ces deux semenciers avaient déjà tissé leur toile en Afrique du Sud, où les cultures de maïs, de soja et de coton génétiquement modifiées s’étendent sur 2,7 millions d’hectares. Ils voulaient à tout prix s’ouvrir d’autres marchés et mailler l’Afrique. Un territoire « où les ventes de semences restent extrêmement modestes, pesant 800 millions de dollars quand le marché mondial a atteint 37,2 milliards de dollars en 2015, et où les semences OGM restent marginales », estime M. Debrand. Sachant que le français Vilmorin, qui a acheté deux sociétés en Afrique, Seed Co et Link See, est aussi sur les rangs.

Les cours restent plombés par les stocks : 20 millions de tonnes, l’équivalent d’une année de tissage mondial

Mais l’expérience burkinabée est partie en quenouille. « La fibre de coton du Burkina Faso était réputée pour sa longueur. Or, plus elle est longue, plus elle est prisée par les griffes de luxe, et donc plus elle est chère. Avec la culture OGM, les fibres ont présenté un déficit de longueur. Cela a causé un préjudice commercial terrible », raconte Georges Toby, directeur général du négociant Copaco. Les agriculteurs burkinabés, qui avaient converti les trois quarts de leurs champs aux OGM, séduits par les promesses des semenciers, sont dans de beaux draps.

D’autant que le cours du coton s’est effiloché au fil des mois. « Il a perdu un quart de sa valeur en 2015 », affirme M. Toby. Vendredi 15 avril, la livre de coton se négociait à 60,03 cents. « A ce prix, les agriculteurs africains ne couvrent pas leurs coûts de production », estime le négociant, président de l’Association française cotonnière (AFCOT), qui ne voit pas d’embellie à court terme. Et ce malgré une parité euro-dollar favorable. Et bien que la production attendue soit de 7 à 8 % inférieure à la consommation. Une première depuis cinq ans.

Mais les cours restent plombés par les stocks de balles de fibre entassés au fond des hangars. Soit 20 millions de tonnes, l’équivalent d’une année de tissage mondial. De quoi faire encore tapisserie en Bourse, avec un cours qui pourrait continuer à osciller entre 55 et 60 cents. De plus, le coton a du fil à retordre avec le polyester. La chute du baril de brent rend son prix encore plus attractif. Et la concurrence synthétique a tendance à tirer la couverture à elle…