• Andrey Baranov
    The Golden Violin

    Œuvres de Tartini, Paganini, Tchaikowsky, Rachmaninov, Ravel et Debussy. Andrey Baranov (violon), Maria Baranova (piano).

Pochette de l’album « The Golden Violin », d’Andrey Baranov. / MUSO/HARMONIA MUNDI

Il est russe, a remporté, en 2012, le concours Reine Elisabeth de Belgique et joue un violon ayant appartenu à son légendaire compatriote et aîné David Oïstrakh. Ces trois « distinctions » suffiraient à présenter Andrey Baranov s’il avait besoin de références. Ce n’est pas le cas. Son jeu parle pour lui, virtuose, certes, mais empreint d’une telle musicalité que les pages les plus étourdissantes (et ce programme n’en manque pas, de Tartini à Paganini) séduisent plus par le naturel de l’expression que par la performance technique. Le son aussi relève du grand art, avec un violon tantôt caressant comme une brise, tantôt sifflant comme un appeau. Sobre dans le ballet de l’archet et des doigts, Andrey Baranov l’est aussi dans la projection du sentiment (Tchaikowsky, Rachmaninov, Debussy). Il sait aussi faire preuve de fantaisie, pour ne pas dire de sauvagerie, dans un numéro de bateleur (Tzigane, de Ravel) magnifiquement exécuté sur les tréteaux pianistiques fournis par sa sœur. Pierre Gervasoni

1CD Muso/Harmonia Mundi.

  • Ty Segall
    Freedom’s Goblin

Pochette de l’album « Freedom’s Goblin », de Ty Segall. / DRAG CITY/MODULOR

En additionnant les sorties annuelles des ultra prolifiques King Gizzard & The Lizard Wizard (cinq albums parus en 2017), du vétéran John Dwyer (Thee Oh Sees) et de Ty Segall, il ne reste guère d’espace au reste de la scène garage psychédélique pour s’imposer. Le nouvel album du Californien Ty Segall, son dixième en dix ans, n’est qu’une partie émergée de l’iceberg, qui compte autant de mini-albums et de projets parallèles. Autant avouer que la lassitude du public pourrait bien pointer, surtout à l’écoute de ce Freedom’s Goblin, quasi double album de 19 titres. Pourtant, aucune baisse d’inspiration ou d’enthousiasme n’est encore à relever sur cet opus enregistré dans cinq studios différents. D’où probablement l’éclectisme qui en ressort, alternant guitares au volume très heavy (She, Alta), pop-folk période Bowie glam (My Lady’s On Fire), étreinte country sur fond de lap steel (Cry Cry Cry), ou encore l’évidence mélodique d’un Paul McCartney (Rain). Le héraut garage se frotte même au disco sur une reprise (Every 1’s A Winner de Hot Chocolate), sans entacher sa crédibilité artistique sur ce remarquable tour de force. Franck Colombani

1 CD Drag City/Modulor.

  • First Aid Kit
    Ruins

Pochette de l’album « Ruins », de First Aid Kit. / COLUMBIA/SONY MUSIC

Le folk et même la country ont pris racine dans les pays nordiques, ce dont témoignait en 2006 la compilation Cowboys in Scandinavia : The New Folk Sounds From Northern Europe (Fargo Records). Repérée en 2008 sur les réseaux sociaux grâce à une reprise du groupe américain Fleet Foxes, la « trousse de premiers secours » est un duo composé de deux sœurs suédoises, Klara et Johanna Söderberg, dont les impeccables harmonies vocales et les timbres perpétuent la grande tradition des familles chantantes (Carter Family, Louvin Brothers, Everly Brothers). Ce savoir-faire était le principal atout de leur trois premiers albums, agréables mais quelque peu artificiels. Toute considération cynique à part, il manquait probablement un chagrin d’amour pour donner de la profondeur à ces chansons. Expérience douloureuse qui signe la réussite de ce Ruins au titre non mensonger puisque les dix titres ruminent l’échec sentimental et la séparation, du refrain crève-cœur de Fireworks à la magnifique ballade countrypolitaine Postcard. Ces confessions ne laissent heureusement pas de place à l’autoapitoiement malgré les plaintes de la pedal steel, mêlée à un piano honky-tonk, aux guitares de Peter Buck (R.E.M.) et à la batterie tout en retenue de Glenn Kotche (Wilco). Beau comme du Emmylou Harris, influence première et revendiquée. Bruno Lesprit

1 CD Columbia/Sony Music.

  • Raphaël Imbert
    Music Is My Hope

Pochette de l’album « Music Is My Hope », de Raphaël Imbert. / JAZZ VILLAGE/PIAS

Saxophoniste et clarinettiste, Raphaël Imbert, après Music is My Home en 2016, poursuit avec Music Is My Hope son voyage dans le blues, les croisements avec le gospel, la soul music, le jazz. A la fois dans une approche traditionnelle des genres, les cadences harmoniques du blues (Blue Prelude), les développements vocaux du gospel (Didn’t My Lord Deliver Daniel) et des virées solistes d’Imbert vers le free jazz , des accroches rock, élément qui passe par les guitares de Pierre Durand et Thomas Weirich. Si Music Is My Home pouvait plus directement s’entendre comme un portrait du foisonnement musical de La Nouvelle Orleans, la terre d’origine, le très réussi Music Is My Hope élargit son propos. On y trouve ainsi une reprise de Joni Mitchell (The Circle Game) ou un chant occitan Vaqui lo polit mes de mai, qui avance lentement vers ce qui peut rappeler la spiritualité musicienne d’Albert Ayler ou John Coltrane. Sylvain Siclier

1 CD Jazz Village/PIAS.

  • Japon/Teruhisa Fukuda
    Musical Offering

Pochette de l’album « Musical Offering », de Teruhisa Fukuda. / MEG-AIMP/VDE-GALLO–DOM FORLANE

Formidablement apaisante, une musique à mettre dans toutes les oreilles, pour revigorer les esprits et les corps éreintés. C’est celle de la flûte shakuhachi, un simple bout de bambou percé de quelques trous, avec une encoche taillée en biseau en guise d’embouchure. L’instrument a vraisemblablement été introduit au Japon depuis la Chine, à la fin du VIIe siècle ou au début du VIIIe. Teruhisa Fukuda raconte avoir trouvé sa sonorité horrible quand il l’a entendue la première fois à la radio. Il n’est pas resté sur cette première impression. Pour preuve, il en joue depuis près de cinquante ans et en est devenu l’un des maîtres les plus éminents. Il interprète ici des pièces appartenant au répertoire de la secte Fuke du bouddhisme zen, datant du XVIIe siècle (période Edo). Après un album paru sur Ocora Radio France en 2003, celui-ci, publié par le Musée d’ethnographie de Genève, apporte un nouveau témoignage de son talent foudroyant. Patrick Labesse

1 CD MEG-AIMP/VDE-GALLO–DOM Forlane.

  • Cecilia Bartoli et Sol Gabetta
    Dolce Duello
    Airs de Caldara, Albinoni, Gabrielli, Vivaldi, Haendel et Porpora. Concerto pour violoncelle G 483 de Boccherini. Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), Sol Gabetta (violoncelle), Cappella Gabetta, Andrés Gabetta (violon et direction).

Pochette de l’album « Dolce Duello », de Cecilia Bartoli (mezzo-soprano) et Sol Gabetta (violoncelle), avec Cappella Gabetta, Andrés Gabetta (violon et direction). / DECCA

Dix-huit ans après l’album Vivaldi qui fit sa gloire, et après moult enregistrements plus ou moins « scénarisés », généralement pour le meilleur, la diva italienne continue de surprendre, elle qui s’est courageusement illustrée du répertoire baroque au bel canto, en passant par la comédie musicale. Cette fois, c’est avec la violoncelliste Sol Gabetta qu’elle propose un programme remettant au goût du jour les grands duos/duels entre voix et instrument qui fleurissaient au XVIIIe siècle dans les arias d’opéras ou les airs de concerts avec instrument obligé. L’assurance de belles découvertes, comme ces airs de Caldara : deux magnifiques premières mondiales tirées de Nictori (Fortuna e speranza) et Gianguir (Tanto e con si gran pena). Inutile de dire que la Bartoli, qui puise aux styles subtilement variés de la musique d’obédience italienne, est une fois encore à son meilleur – qui possède, comme elle encore aujourd’hui, une capacité aussi étourdissante de nuances, d’articulation et d’affects ? Sol Gabetta sans doute, qui fait ici cause fusionnelle, et rend toute sa vérité à ce lieu commun qui veut que le violoncelle soit le plus proche de la voix. Marie-Aude Roux

1 CD Decca.