Documentaire sur France 5 à 20 h 50

« La victoire me revient. Depuis trois ans, je trace ma route à l’écoute des Français, avec mon projet et mes valeurs. Progressivement, j’ai senti cette vague qui a brisé tous les scénarios écrits d’avance », lançait François Fillon, le 27 novembre 2016, au soir de sa tonitruante victoire aux primaires de la droite et du centre. Celui pour qui l’Elysée semblait alors promis ne mesurait pas encore qu’une autre vague – celle des affaires – se préparait, qui allait fracturer l’image du « candidat de la vérité », avant de l’exclure de la course présidentielle.

Un an après les débuts du « Penelopegate », deux documentaires reviennent en détail sur un désastre électoral dont la droite peine à se relever. Si celui de BMF-TV(multirediffusé le 3 février) est circonscrit au temps de la campagne et le propos résumé par son titre (Qui a tué François Fillon ?), celui de Bruce Toussaint se révèle plus ample et fouillé, grâce, entre autres, à la richesse des témoignages. Notamment ceux de Patrick Stefanini, son directeur de campagne, qui finit par démissionner peu avant l’échéance électorale, de Thierry Solère, porte-parole de la campagne, également démissionnaire, ou encore de François Baroin.

Un homme « secret et insondable »

Avec ce film,le matinalier de Franceinfo et le producteur Alexandre Amiel inaugurent « C’était écrit » : une nouvelle collection documentaire qui entend décrypter « la mécanique cachée » des moments forts de l’histoire récente. De ce point de vue, François Fillon, homme « secret et insondable » (Xavier Bertrand), ne pouvait offrir meilleure dramaturgie aux journalistes, lui qui disait d’ailleurs, lors de ses vœux à la presse, en janvier 2017 : « Méfiez-vous des scénarios écrits d’avance. » Ni meilleur exercice d’analyse rétrospective.

Bien que les faits nous soient connus, on revisite avec d’autant plus d’intérêt chaque épisode de cette calamiteuse campagne que Bruce Toussaint sait les éclairer de multiple flash-back, mettant en évidence les motifs cachés de cette défaite. Ainsi, de sa jeunesse turbulente à sa discrète ascension en politique, de ses cinq ans à Matignon dans l’ombre d’un président pour lequel il n’est qu’un « collaborateur » à son combat fratricide avec Jean-François Copé en 2012 pour la présidence de l’UMP – deux épisodes majeurs qui alimenteront les dissensions futures –, rien n’est omis pour comprendre les ressorts politiques.

Mais aussi pour tenter de cerner ceux, humains, d’un homme qui commence sa campagne en prenant des vacances, là où il aurait dû rassembler ses troupes ; se garde d’informer son équipe des révélations du Canard enchaîné ; qui multiplie aussi les déclarations maladroites voire imprudentes comme celle faite au JT de TF1, le 26 janvier, où il annonce qu’il ne se retirera qu’en cas de mise en examen. Déclaration qui demeura sans suite, même après que le couperet judiciaire fut tombé.

Francois Fillon, lors d’un meeting à Oyonnax, le 19 janvier 2017. / PHILIPPE DESMAZES/AFP

« D’une élection gagnable, on est maintenant dans une candidature indéfendable », commente François Baroin, qui reconnaît également que tous, au sein de sa famille politique, portent une part de responsabilité. Au-delà même de la personnalité complexe, forte et jusqu’au-boutiste de François Fillon.

Tout au long, on savoure ce récit analytique aussi éclairant que captivant, pimenté de petites phrases aigres-douces voire assassines et de révélations, comme celle de Patrick Stefanini confiant n’avoir voté, lors du premier tour, ni pour Fillon ni pour Macron.

François Fillon, l’homme qui ne pouvait pas être président, de Félix Seger et Bruce Toussaint (Fr., 2018, 90 min).