Donald Trump et le Brexit n’y ont rien changé : grâce à la vigueur de ses exportations, l’Allemagne devrait rester, en 2017, la championne mondiale des excédents, devant la Chine. En attendant le chiffre officiel du commerce extérieur, qui sera publié le 8 février par l’institut de statistiques Destatis, l’institut économique de Munich Ifo a calculé, début janvier, que l’Allemagne a dégagé l’an dernier un excédent de la balance courante de 257 milliards d’euros, soit 7,8 % du PIB. Celle-ci prend essentiellement en compte le solde de la balance commerciale (exportations et importations), ainsi que celui des revenus et transferts courants.

Les Allemands pavoiseront-ils, jeudi matin, à l’annonce des chiffres officiels ? Depuis quelques mois, la fierté liée au succès du made in Germany a laissé la place au doute : et si ces excédents cachaient une perte de compétitivité à long terme, liée au manque d’investissements ?

Effets pervers

Le débat sur les effets pervers des excédents allemands n’est pas nouveau. Jusqu’ici, il était essentiellement porté par le gouvernement américain, le Fonds monétaire international (FMI) ou encore le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, qui adressaient à l’Allemagne le reproche suivant : les excédents courants persistants créent des déséquilibres macroéconomiques internationaux. Et Berlin, jugent-ils, fait trop peu pour essayer de les compenser, alors qu’il pourrait développer les investissements publics, encourager les investissements privés ou la hausse des salaires, ce qui stimulerait la consommation et les importations.

Les économistes du ministère des finances rétorquent en général que l’Etat ne peut pas grand-chose pour réduire les excédents. La compétitivité des produits made in Germany, encouragée par la faiblesse actuelle de l’euro, des taux d’intérêt et du prix du pétrole, explique la vigueur des exportations. Et les salaires sont laissés à la négociation entre partenaires sociaux. Les excédents s’expliquent aussi par l’épargne accumulée par les particuliers vieillissants. A elle seule, l’augmentation des investissements publics ne suffirait pas à rétablir l’équilibre de la balance courante.

Mais ce discours d’impuissance est de plus en plus controversé. Certains économistes allemands, comme le directeur de l’institut pour la recherche économique de Berlin DIW, Marcel Fratzscher, critiquent depuis longtemps la faiblesse des investissements publics. Le principe du « frein à la dette », ancré dans la Constitution depuis 2009, a conduit l’Etat et les collectivités à réduire leurs dépenses pour respecter les contraintes budgétaires.

Encourager la dépense publique

Conséquence, les investissements ont été limités et les équipements ont vieilli : dans les régions les moins favorisées, certaines autoroutes, écoles ou gares tombent en ruine. Et les infrastructures Internet sont loin de correspondre aux besoins actuels d’une industrie en pleine transformation numérique.

Le manque d’investissements est désormais régulièrement cité comme problème prioritaire. Les fédérations patronales industrielles, qui redoutent une perte de compétitivité de l’industrie allemande, appellent le futur gouvernement à encourager la dépense publique. La feuille de route de la future coalition, si elle est adoptée, prévoit « un droit au haut débit » d’ici à 2025. « Insuffisant », estime une majorité d’économistes de renom, interrogés par l’institut Ifo dans un sondage paru le 5 février. Le risque, selon eux, est de voir les entreprises investir à l’étranger plutôt qu’en Allemagne.