Prêt immobilier : désormais libres d’aller s’assurer ailleurs
Prêt immobilier : désormais libres d’aller s’assurer ailleurs
LE MONDE ARGENT
Il est désormais possible de changer l’assurance de son emprunt et, à garantie équivalente, de faire des économies.
Votée en février 2017, la mesure a été validée le 12 janvier par le conseil constitutionnel. / CC by 2.0
Savez-vous combien coûte l’assurance de votre crédit immobilier ? Si ce n’est pas le cas, vous n’êtes pas le seul : un tiers des emprunteurs déclarent ne pas connaître, même à peu près, leur mensualité, selon un sondage Opinionway/Meilleurtaux.com de décembre. Deux sur dix disent même ne pas être assurés ou ne s’en souviennent pas. Une méconnaissance qui jure avec l’enjeu financier : exigée par les prêteurs, cette assurance constitue souvent un quart à la moitié du coût du crédit pour les prêts contractés ces dernières années, à taux d’emprunt bas. Parfois presque autant, donc, que les intérêts.
La souscription était jusqu’ici généralement un non-événement. Même si, depuis 2010, les emprunteurs peuvent choisir une assurance externe, dans les faits ils se facilitent souvent la vie (et la négociation avec le banquier) en acceptant sans sourciller le package proposé avec le crédit, la plupart du temps sans longue réflexion, aumilieu de cette foule d’opérations chronophages liées à l’achat immobilier. Cette assurance est importante car elle permet le remboursement du crédit en cas d’accident de la vie. Elle couvre généralement au minimum le décès et la perte totale et irréversible d’autonomie. Mais aussi souvent l’incapacité temporaire de travail et l’invalidité permanente.
Séance de rattrapage
Si vous n’avez pas fait jouer la concurrence à la signature de votre prêt, une loi de février 2017 vous offre une séance de rattrapage. Elle vous permet de résilier l’assurance de votre crédit une fois l’an, à condition de trouver ailleurs des garanties équivalentes. Et si vous trouvez moins cher, de faire des économies. Tous les contrats sont concernés, même les anciens. Le Conseil constitutionnel a validé la mesure le 12 janvier, mettant fin à une décennie de bataille judiciaire et législative opposant les « bancassureurs » (les assureurs bancaires, 85 % du marché) aux associations de consommateurs et aux autres assureurs.
Un rapport de 2013 de l’Inspection générale des finances (IGF) avait déconseillé au législateur d’autoriser cette résiliation annuelle au motif qu’elle ouvrirait la voie à une plus forte « démutualisation » de l’assurance. Ses auteurs craignaient une hausse des tarifs pour les populations les « plus fragiles sur le plan de la santé, de l’âge ou des revenus », et donc, au final, une remise en cause, pour elles, de l’accès à la propriété. C’était l’argument développé par les banques.
Pour comprendre, il faut savoir que jusqu’au début des années 2000, les contrats étaient fortement mutualisés. Un tarif quasi unique, autour de 0,40 %, était appliqué à tous les emprunteurs, peu importe leurs caractéristiques. Ceux qui présentaient un risque faible pour l’assureur, les plus jeunes notamment, payaient leur assurance plus cher que leur profil ne l’imposait, pour que les emprunteurs aux profils moins favorables, les plus âgés par exemple, accèdent à des tarifs moins élevés que ceux qui devraient correspondre à leur profil.
Ces contrats-groupes des banques furent peu à peu soumis à la concurrence des contrats très individualisés des assureurs concurrents, qui calculent leurs primes selon les profils de risque – âge, santé, profession, etc. Alors les banques ont adapté leurs offres. Si le tarif unique a disparu, le niveau d’individualisation n’y atteint toutefois pas celui des contrats vendus hors banques. Selon le rapport de l’IGF, le tarif varie du simple au double dans les contrats collectifs bancaires entre 26 et 56 ans, alors que pour les contrats alternatifs, le prix est en moyenne sept fois plus élevé pour l’emprunteur de 56 ans.
Pour Olga de Sousa, juriste à l’UFC-Que choisir, les arguments des banques ne tiennent pas. D’une part parce que la démutualisation est déjà une réalité pour elles, d’autre part parce qu’elles ont trop longtemps profité, explique-t-elle, de la difficulté de faire jouer la concurrence pour réaliser des marges importantes sur le dos de leurs clients.
« 10 000 euros sur 20 ans »
« En cassant ainsi la rente des banques, on permettra au consommateur de réaliser des milliers d’euros d’économie, parfois 10 000 euros pour un emprunt sur 20 ans », allèche Stéphane Junique, président d’Harmonie Mutuelle, qui s’est lancée en 2017 sur ce marché de l’assurance emprunteur. Les gains les plus juteux sont à attendre du côté des moins âgés, des non-fumeurs, des cadres, des personnes en bonne santé, qui profitent de l’individualisation des calculs. Les profils présentant plus de risque ont-ils aussi intérêt à changer d’assurance ? « Chacun devrait en tout cas réaliser l’exercice de comparaison », insiste Mme Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.com. « L’économie sera plus importante si le prêt court encore sur plusieurs années », précise Jean-Sébastien Nénon, directeur des opérations chez LesFurets.com.
« En outre, je ne pense pas que la mesure aura pour impact d’augmenter les prix pour les seniors, ajoute Sylvain Lefèvre, président de La Centrale de financement. Le jeu concurrentiel va jouer sur la globalité du marché, quelle que soit la niche. Tous vont réviser leurs tarifs en baissant leurs marges. »
Mensualités variables
« Avec une concurrence plus vive, il y aura forcément une baisse des marges pour tous, acquiesce le dirigeant d’une grande banque. Si un client se présente avec un contrat comparable, on regardera si on peut lui faire une contre-proposition, il n’y a pas de raison qu’on ne soit pas compétitif. » Un discours globalement partagé, même à demi-mot, par les bancassureurs que nous avons interrogés. « On va se battre », lance par exemple un autre assureur de groupe.
La plupart expliquent aussi réfléchir à la mise en place d’une offre basée sur des mensualités variables, dégressives, alors que jusqu’ici, les mensualités d’assurance étaient fixes pour les contrats de groupe. « C’est inévitable, commente Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Good Value for Money. Les clients ayant désormais la possibilité de résilier chaque année, tous les assureurs devront calculer les primes comme si vous deviez les quitter demain, en calculant leurs tarifs sur le capital restant dû plutôt qu’en lissant les primes sur la durée du prêt. Ce n’est pas très confortable pour l’emprunteur, qui devra payer des mensualités plus élevées en début de crédit. »