En moyenne, les fonctionnaires d’Etat travaillent plus qu’avant et au-delà de la durée légale, mais un tiers d’entre eux font moins. C’est ce qu’indique un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) remis à Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, et publié par Le Figaro le 26 mars. L’IGF, qui s’est intéressé aux « régimes dérogatoires aux 35 heures dans la fonction publique », a relevé « plusieurs cas d’incohérence et de régimes dépourvus de justifications ». Elle considère donc que, « sauf cas exceptionnels, les situations actuelles n’ont pas de raisons de perdurer et impliquent qu’il y soit mis fin ». Cela permettrait, estiment les inspecteurs, d’économiser 30 000 postes. Le gouvernement s’est engagé à supprimer 120 000 emplois de fonctionnaires d’ici à 2022, dont 50 000 dans les administrations d’Etat.

Cette question hautement sensible du temps de travail des fonctionnaires est abordée par le projet de loi sur la fonction publique, qui est présenté mercredi 27 mars en conseil des ministres par Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat de M. Darmanin. Mais, paradoxalement, les dispositions qui y sont contenues concernent la fonction publique territoriale, non celle d’Etat. Le texte de M. Dussopt prévoit une harmonisation de la durée du travail dans les collectivités locales en supprimant les régimes dérogatoires à la durée légale.

« Jours ministres »

De fait, l’IGF reconnaît que la durée travaillée par les agents d’Etat à temps complet s’établit à 1 712 heures, soit plus que ce qu’exige la loi – 1 607 heures par an. Cette estimation, qui porte sur la période 2013-2017, est supérieure à la précédente (2013-2014) : 1 627 heures. Les enseignants ne sont pas intégrés dans ces statistiques, mais la dernière étude officielle, datant de 2010, chiffrait à plus de 41 heures par semaine leur temps de travail effectif.

En revanche, les inspecteurs pointent le fait qu’un tiers des fonctionnaires d’Etat travaillent moins que la durée légale. Cela représente 310 000 agents sur l’échantillon de 1,1 million d’agents (hors enseignants, militaires ou magistrats) retenu par l’IGF.

Une bonne part d’entre eux (190 000) ne font que 1 555 heures parce qu’ils jouissent de dispositifs historiques, « dont les justifications sont faibles voire inexistantes » pour 30 000 d’entre eux, tancent les inspecteurs. L’IGF évoque, par exemple, les 150 000 personnels administratifs et techniques qui travaillent dans l’enseignement. Comme les professeurs, ils profitent des vacances scolaires, mais à la différence près qu’ils n’ont ni préparation de cours ni corrections de copies à faire lorsqu’ils rentrent à la maison. L’IGF cite également les « jours de fractionnement », dispositif permettant aux fonctionnaires qui prennent leurs congés en hiver d’avoir des vacances supplémentaires. Or, avec les 35 heures, le mécanisme a atteint ses « limites », considèrent les inspecteurs qui proposent de le supprimer. Ils pointent également les jours accordés arbitrairement dans certains ministères, comme à l’intérieur ou la culture, appelés « jours ministres ».

Conditions pénibles

Une autre partie (120 000) bénéficient de compensations horaires liées à leur fonction. Eux n’accomplissent en moyenne que 1 538 heures par an. C’est le cas des fonctionnaires qui travaillent la nuit ou dans des conditions pénibles ou dangereuses, comme les inspecteurs vétérinaires qui exercent dans les abattoirs. Cela concerne aussi des agents qui ont des contraintes spécifiques, comme les policiers, les CRS ou les surveillants de prison. L’IGF dénonce cependant au passage l’incohérence des régimes appliqués aux fonctionnaires en uniforme : les « personnels actifs de la police nationale » travaillent 1 523 heures, les militaires de la gendarmerie nationale 1 706 heures, sans que l’IGF en ait visiblement compris la justification.

Dans certains cas, les compensations sont compréhensibles. Dans d’autres cas, beaucoup moins, développent les inspecteurs : ils évoquent ainsi les personnels chargés de délivrer des titres dans les préfectures et les sous-préfectures. Eux ne travaillent que 1 572 heures, et l’IGF rappelle que « l’impact de la dématérialisation des procédures engagée au sein du ministère de l’intérieur se traduit par une baisse de fréquentation ».