La sœur de Kim Jong-un invite le président sud-coréen
La sœur de Kim Jong-un invite le président sud-coréen
Par Philippe Pons (Tokyo, correspondant (avec AFP)
Le dictateur serait prêt à accueillir « aussi tôt que possible » Moon Jae-in pour un sommet au Nord.
Kim Yo-jong a remis une lettre de son frère, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, à Moon Jae-in, le président du Sud, le 10 février 2018, à Séoul. / - / AFP
Reçus samedi 10 février à la Maison Bleue, la résidence présidentielle sud-coréenne, les membres de la délégation nord-coréenne aux Jeux olympiques de Pyeongchang – dont Kim Yo-jong, sœur cadette du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un – ont eu un entretien de près de trois heures avec le président Moon Jae-in. « L’envoyée spéciale Kim Yo-jong a remis une lettre personnelle » de son frère faisant part de son « souhait d’améliorer les relations intercoréennes », a déclaré à l’issue de cette rencontre le porte-parole de la présidence sud-coréenne, Kim Eui-kyeom.
Elle portait également un message oral : l’invitation de son frère au président Moon « à visiter le Nord au moment qui lui conviendra le mieux ». M. Kim serait prêt à accueillir M. Moon « aussi tôt que possible », a-t-il ajouté. Un tel sommet serait le troisième du genre, après les rencontres entre le père de M. Kim, Kim Jong-il, et les Sud-Coréens Kim Dae-jung et Roh Moo-Hyun en 2000 et 2007, à chaque fois à Pyongyang.
La proposition confirme le rapprochement spectaculaire entre les deux Corées de ces dernières semaines. Le président sud-coréen milite depuis longtemps pour le dialogue avec le Nord mais n’a pas immédiatement accepté cette proposition. Il se trouve dans une position difficile, ayant soutenu, comme le veut son allié américain, que des progrès sur le dossier de la dénucléarisation doivent être constatés en parallèle aux avancées sur le dialogue intercoréen.
Hostilité des Etats-Unis
Or Pyongyang ne montre aucune volonté de reculer sur ses programmes balistique et nucléaire. M. Moon a demandé samedi que soient créées « les bonnes conditions » à une telle visite, appelant le Nord à rechercher plus activement le dialogue avec Washington. « Il est absolument nécessaire que le Nord et les Etats-Unis entament des pourparlers rapidement », a dit le président sud-coréen, cité par son porte-parole.
Le vice-président américain, Mike Pence, également présent lors de la cérémonie d’ouverture des JO la veille, a à peine caché l’hostilité des Etats-Unis face au processus de détente. Autant que le défilé des athlètes du Nord et du Sud sous le même drapeau d’une Corée unie, et portant dans le dos de leurs tenues blanches le simple mot « Korea », la poignée de main du président Moon et de Kim Yo-jong et leur échange bref, mais apparemment chaleureux à la tribune officielle, ont été les images les plus fortes de la soirée. Assis à côté de l’épouse de M. Moon, M. Pence et le premier ministre japonais Shinzo Abe, visages fermés, regardaient délibérément ailleurs, cachant à peine leur désapprobation.
Au cours d’une réception qui a suivi la cérémonie, M. Abe, aligné pourtant sur la position américaine vis-à-vis de Pyongyang, a néanmoins échangé quelques mots avec le chef de la délégation nord-coréenne, Kim Yong-nam, président du présidium de l’Assemblée suprême du peuple. Mike Pence, en revanche, n’est resté que six minutes à cette réception et n’a pas participé au dîner des hôtes officiels où, selon le protocole, il aurait été assis à la même table que les chefs d’Etat du Nord et du Sud et en face de Mme Kim. Evitant toute critique directe du président Moon, le vice-président américain a mis en garde contre un rapprochement trop précipité avec le Nord.
Alors que la semaine dernière à Séoul, on « croisait les doigts » dans l’entourage du président Moon tant les jours à venir semblaient incertains, le pari de faire des JO de Pyeongchang les « Jeux de la paix » semble gagné. La présence de Kim Yo-jong à Séoul est symbolique : elle est la première représentante de la lignée des Kim, qui règne sur la Corée du Nord, à s’y être rendue depuis la fin de la guerre de Corée : seul son grand-père, Kim Il-sung, y séjourna en 1950 lors de l’offensive au Sud.
Confronté à cette accélération inattendue du processus de rapprochement intercoréen, Washington a ouvert un nouveau front : la violation des droits humains en République populaire démocratique de Corée (RPDC). Une dénonciation comme instrument politique mise en veilleuse depuis la présidence de George W. Bush. Mike Pence était accompagné à Séoul du père d’Otto Warmbier, l’étudiant américain mort en 2017 à la suite de son emprisonnement en Corée du Nord pour le vol d’une banderole de propagande. Washington doit prendre dans les jours qui viennent des sanctions économiques encore plus dures contre la Corée du Nord, a aussi annoncé M. Pence.
L’assouplissement de la position nord-coréenne est perçu par Washington comme une « offensive de charme » destinée à faire oublier que le régime de Pyongyang est le « plus tyrannique de la planète ». Selon le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, présent à la cérémonie d’ouverture des Jeux, l’accalmie actuelle n’est qu’« une trêve » qui, comme telle, n’est pas appelée à durer.