Vue d’ensemble de l’entrepôt de la Poste. / NICOLAS KRIEF / « Le Monde »

L’e-commerce décolle et avec lui le nombre de colis expédiés : en 2016, 356 millions ont été distribués en France en 2016 par les opérateurs autorisés, dont La Poste. Un business en pleine expansion qui pourrait être à l’origine de multiples infractions au droit du travail pour l’entreprise à capitaux publics, selon le parquet de Nanterre, cité lundi 12 février par le site Mediapart.

Dans son réquisitoire rendu le 30 janvier, le parquet a ainsi estimé que l’utilisation intensive de la sous-traitance par La Poste relevait d’un « prêt de main-d’œuvre illicite et de marchandage », deux infractions qui permettraient de réduire les coûts.

  • Le prêt de main-d’œuvre illicite est caractérisé lorsque l’entreprise emploie un sous-traitant pour un travail qui aurait pu être effectué par un salarié classique (en CDI ou même en CDD) ;
     
  • Le marchandage est défini par le code du travail comme « toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ». Concrètement, le parquet reproche à la Poste d’avoir employé des sous-traitants proposant des avantages sociaux moins intéressants que ceux proposés par La Poste (moindre rémunération, charges de travail plus importantes, absence de formation, etc.).

Une organisation du travail également dénoncée par le syndicat SUD et la CGT, qui ont porté plainte au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris en octobre 2017 sur la base de ces deux mêmes infractions. Ils s’appuient notamment sur un procès-verbal d’infraction établi en février 2013 par l’inspection du travail après le contrôle d’agences en Ile-de-France.

La noyade d’un livreur à l’origine du procès

L’enquête à l’origine du réquisitoire du parquet du 30 janvier ne découle toutefois pas directement de ces plaintes. Elle a été lancée à la suite de la mort accidentelle d’un livreur non déclaré, Seydou Bagaga, le 8 décembre 2012.

Ce dernier s’est noyé en tentant de récupérer un colis tombé dans la Seine alors qu’il faisait une tournée dans les péniches amarrées sur le fleuve. Il avait démarré son travail à l’agence d’Issy-les-Moulineaux la veille, sans être déclaré à l’Urssaf par son employeur, DNC Transport, sous prétexte qu’il effectuait une formation.

Dans cette agence de région parisienne, 80 % des livraisons de colis étaient sous-traitées à DNC Transport et à quatre autres entreprises. Seuls 6 postiers subsistaient, contre 27 salariés sous-traitants actifs, selon Mediapart.

L’usage important des sous-traitants est loin d’être rare en Ile-de-France. Au point que le parquet a demandé un non-lieu partiel pour le dirigeant de DNC Transport, concernant le chef d’homicide involontaire de Seydou Bagaga, se concentrant davantage sur les accusations de main-d’œuvre illicite et de marchandage concernant le directeur de l’agence d’Issy-les-Moulineaux et La Poste.