Lactalis : l’association Foodwatch porte plainte à son tour dans l’affaire du lait contaminé
Lactalis : l’association Foodwatch porte plainte à son tour dans l’affaire du lait contaminé
LE MONDE ECONOMIE
Cette plainte vient s’ajouter à celles déposées, en décembre, par l’association des victimes de Lactalis, et par l’UFC-Que choisir. Des parents ont aussi saisi la justice.
Du lait en poudre produit par le groupe Lactalis dans un supermarché. / GUILLAUME SOUVANT / AFP
Nouvelle plainte dans l’affaire du lait contaminé Lactalis. Cette fois, c’est l’association de consommateurs Foodwatch, accompagnée de plusieurs parents, qui a choisi de saisir le pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris, mercredi 14 février. Cette plainte fait suite à celle de Quentin Guillemain, fondateur de l’association des victimes de Lactalis, déposée le 18 décembre contre l’industriel et les pharmaciens. Ou celle, « pour tromperie » d’une autre association de consommateurs, l’UFC-Que choisir, le 28 décembre. Sachant que d’autres parents ont aussi saisi le pôle santé publique, chargé de centraliser les plaintes dans le cadre d’une enquête préliminaire pour « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui » ouverte le 22 décembre. L’association des victimes de Lactalis déposera, jeudi 15 février, 30 plaintes supplémentaires contre Lactalis et des enseignes de distribution.
Foodwatch a pris le temps d’étayer sa plainte dans cette affaire de lait contaminé qui a provoqué une salmonellose chez 38 nourrissons. Elle a relevé douze infractions qui engagent la responsabilité de tous les acteurs impliqués : le fabricant, en l’occurrence le groupe Lactalis, la grande distribution, les laboratoires mais aussi les pouvoirs publics qui avaient une obligation de contrôle de l’usine. « Ils ont tous manqué à leurs obligations en matière de prévention des risques sanitaires mais aussi dans la gestion particulièrement défaillante de cette crise alimentaire majeure. Des consommateurs ont été ainsi trompés et des enfants mis en danger », estime l’association.
Les infractions retenues vont de la mise sur le marché d’un produit préjudiciable à la santé à l’inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit, en passant par la mise en danger d’autrui ou l’exportation vers un pays tiers à l’UE d’une denrée alimentaire préjudiciable à la santé.
L’usine déjà épinglée
Quelques jours après la révélation de l’affaire assortie des premiers rappels de lait infantile, le 2 décembre, Foodwatch avait souligné que l’usine de Craon (Mayenne), d’où est parti le scandale, avait déjà été épinglée en 2005. A l’époque, une contamination à la salmonelle avait touché 140 nourrissons. Lactalis avait racheté l’usine à Celia un an plus tard. S’ensuivit, selon l’association, « un feuilleton avec de mauvais épisodes. Des zones d’ombres sur ce qui s’est passé entre 2005 et 2017, sur les contrôles menés et les mesures prises », l’Institut Pasteur ayant confirmé que la même souche de salmonelle était à l’origine des deux contaminations. Le patron de Lactalis, Emmanuel Besnier, a d’ailleurs reconnu qu’il n’était pas exclu que des enfants aient consommé des laits contaminés pendant cette période de douze ans. L’institut Pasteur chiffre à 25 le nombre de bébés concernés.
- Rappels au compte-gouttes
Foodwatch cite ensuite « les rappels au compte-gouttes et en catimini en décembre, des produits dangereux toujours en vente en janvier malgré les rappels et des acteurs qui se renvoient la balle sans assumer leurs responsabilités ». Fin janvier, Bercy a communiqué les résultats du dernier contrôle demandé dans les points de distribution. Il apparaissait alors que 22 établissements et 60 sites de commerce en ligne vendaient encore des boîtes de lait infantile interdites. Et la découverte de boîtes qui aurait dû être retirées dans un magasin Leclerc début janvier fut le fait d’une consommatrice attentive. Auchan, Carrefour, Système U, Cora, Casino et Intermarché ont, tous, admis avoir vendu des produits Lactalis incriminés après l’ordre de retrait.
- Laboratoires montrés du doigt
Les laboratoires sont aussi critiqués par Foodwatch. L’association s’interroge sur la communication des tests faits par Eurofins, qui a l’obligation de les transmettre en cas de présence d’un danger sanitaire de première catégorie. Or des traces de salmonelle ont été détectées à l’été 2017. Le laboratoire a-t-il transmis les informations au préfet de la Mayenne ? Ce dernier a-t-il pris les mesures adéquates, se demande Foodwatch, qui pose la question : qui du laboratoire ou du préfet a failli ?
- Lactalis, principal responsable
Mais pour Foodwatch, le principal responsable de l’affaire reste Lactalis. Elle réfute sa défense, quand l’industriel affirme qu’il n’était pas obligé de faire remonter l’information, la salmonelle n’ayant été détectée que dans l’environnement et non dans les produits. Patrick Dehaumont, directeur général de l’alimentation, auditionné par le Sénat, mardi 13 février, a affirmé que des autocontrôles positifs de Lactalis n’auraient pas été transmis aux organismes compétents. Or, il a précisé que des « Salmonella agona avaient été trouvées en 2009, 2014, une sur des produits en 2011 et d’autres sérotypes en 2013 et 2014 ».
Foodwatch estime que les acteurs ne prennent pas leurs obligations trop au sérieux. Elle constate que scandale après scandale, de la viande de cheval aux œufs au fipronil, les protagonistes semblent échapper à toute sanction. Elle demande, comme M. Guillemain, que la lumière soit faite sur l’affaire Lactalis et que des sanctions exemplaires soient prises. « Pour l’heure, le juge d’instruction n’a pas été nommé », affirme toutefois M. Guillemain.