Une femme a été licenciée pour faute grave après avoir laissé son compte Facebook ouvert sur un poste de travail de son entreprise. / Dado Ruvic / Reuters

Des messages postés sur un compte Facebook personnel pouvaient perdre leur caractère privé, et de fait être pris en compte pour justifier un licenciement. C’est ce qu’a estimé, dans un arrêt rendu le 2 février et relayé sur le site spécialisé Legalis, la cour d’appel de Toulouse. Elle confirme ainsi un jugement du conseil des prud’hommes.

Les faits remontent à 2014. A l’époque, Mme X. est employée en CDI en tant que préparatrice. Elle est employée par Autour du bain, une entreprise toulousaine spécialisée dans la fabrication de produits pour le corps.

Des propos « insultants et dénigrants »

En janvier de cette année-là, elle est placée en arrêt maladie. Elle reprend le travail début juin. Mais quelques jours seulement après son retour, Mme X. et l’une de ses collègues, Mme Y., sont convoquées par leur supérieure hiérarchique. Celle-ci leur reproche la teneur de discussions qu’elles ont eues sur Facebook. Dans les messages en question qui se trouvaient sur un ordinateur visible de « toutes les personnes présentes dans le magasin », des propos « insultants et dénigrants », est-il rapporté dans le jugement. Ils portent sur la supérieure, « dégueulasse avec [elle] » et « stupide », mais aussi sur d’autres collègues, qualifiés de « grosses merdes », et sur l’entreprise.

Le 19 juin, Mme X. est mise à pied. Le 10 juillet, elle reçoit un courrier officiel, attestant de son licenciement pour faute grave. Une décision contestée par la salariée, qui saisit les prud’hommes en août. Elle demande à son entreprise le versement de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat. Pour elle, les messages insultants ont été envoyés dans un cadre privé, sur son compte Facebook personnel.

Le conseil des prud’hommes, tout comme la cour d’appel de Toulouse, ont rejeté cet argumentaire. Selon eux, les discussions ne pouvaient plus être considérées comme relevant du domaine du privé car l’employée avait laissé sa session ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise – volontairement d’après le jugement –, « rendant les conversations publiques et visibles de l’ensemble des salariés ». « Mme X. ne produit aucun élément de nature à (…) démontrer que l’employeur aurait usé d’un stratagème pour accéder à la messagerie Facebook de la salariée », estime la cour dans sa décision.

Le fait que les messages aient été envoyés pendant que la plaignante était en arrêt maladie n’a pas non plus joué dans la décision finale.

Le secret des correspondances privées

En France, comme le rappelle sur son site la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), un employeur a pour obligation d’informer ses employés des « dispositifs mis en place et des modalités de contrôle d’internet ».

« L’employeur doit respecter le secret des correspondances privées (…). La violation du secret des correspondances est une infraction pénalement sanctionnée. »

Cependant, la Cour de cassation a considéré le 30 mai 2007 qu’un message envoyé ou reçu depuis un poste de travail mis à disposition par l’employeur revêtait un caractère professionnel, à moins qu’il ne soit identifié comme étant « personnel », par exemple dans l’objet d’un e-mail.

En septembre 2017, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme avait, elle, été dans le sens d’une protection accrue de la vie privée des salariés. Elle avait notamment estimé qu’il fallait prouver l’existence de raisons légitimes à la mise en place d’une surveillance, ou le fait que cette dernière soit proportionnée au but recherché.

La décision de la cour d’appel de Toulouse n’a de valeur que pour ce jugement bien précis et circonstancié, la Cour de cassation ne s’étant pas encore positionnée sur la question. Mais elle pourrait être utilisée comme jurisprudence dans le règlement d’autres affaires similaires à l’avenir.