A l’heure d’embaucher, les métiers de la ville et du BTP sont pénalisés
A l’heure d’embaucher, les métiers de la ville et du BTP sont pénalisés
LE MONDE ECONOMIE
Les trois quarts des entreprises du secteur prévoient de recruter dans les trois ans, mais les postes sont difficiles à pourvoir. En cause, notamment, un sérieux déficit d’image.
Dans les métiers du bâtiment et de la promotion immobilière, l’activité décolle mais l’emploi rencontre quelques freins. « La crise est finie » : après « plusieurs années de croissance molle, la filière se régénère », observe la deuxième édition de l’étude annuelle sur les « Métiers de l’immobilier et de la ville », présentée le jeudi 15 février. Cette enquête a été réalisée auprès de trente fédérations et associations professionnelles et de 900 dirigeants d’entreprises par le cabinet de conseil EY, la fondation Palladio et Business Immo.
La filière, qui va de l’architecture à la gestion immobilière, en passant par l’ingénierie, la promotion et la construction, a connu 3 % de croissance entre 2015 et 2016, une progression 2,5 fois plus rapide que celle de l’économie française. Une activité portée par les ventes de logements comme par la demande de bureaux et des projets d’envergure, à l’instar de ceux du Grand Paris. « Les chiffres de 2017 vont confirmer, voire amplifier cette reprise », estime Marc Lhermitte, associé chez EY.
Des difficultés de recrutement
Conséquence logique, presque tous les secteurs de cette filière, qui fait travailler 2 millions de salariés dans une centaine de métiers, ont créé des emplois en 2016. Les effectifs des activités de conseil et d’expertise ont bondi de 9,7 %, ceux de la promotion immobilière de 5,2 %. Seul point négatif : le secteur de la construction, qui représente la moitié des emplois de la filière, enregistre un recul de ses effectifs de 2,5 %. « Il y a un effet retard, de nombreuses entreprises sont encore en sureffectif malgré la reprise », explique M. Lhermitte. Entre 2007 et 2015, les emplois de la construction avaient fondu de 11,3 %, mais l’activité du secteur, elle, avait chuté de 21 %.
Signe de leur optimisme retrouvé, les chefs d’entreprises de la ville et de l’immobilier se préparent à embaucher : 77 % des dirigeants interrogés envisagent de recruter dans les trois ans, en Ile-de-France et en régions, et 80 % de ces intentions sont en contrat à durée indéterminée. Pas sûr, toutefois, que tous ces postes soient facilement pourvus : 68 % des dirigeants font état de difficultés de recrutement en 2017, dix points de plus qu’en 2016. Sur ce terrain, seuls 3 % des chefs d’entreprises ont vu la situation s’améliorer en un an. Dans l’ingénierie, 34 % des dirigeants disent éprouver davantage de difficultés de recrutement qu’au cours des trois dernières années.
Une filière perçue comme peu innovante
En cause : la concurrence des autres industries, dans un contexte général de reprise de l’économie française. Et un sévère déficit d’image. Selon une enquête menée pour cette étude auprès de 500 étudiants dans ces secteurs, près de la moitié des futurs professionnels considèrent l’immobilier et la ville comme une filière peu innovante. Un sentiment d’ailleurs partagé par la moitié des dirigeants d’entreprises, dans des métiers qui découvrent tardivement la révolution numérique.
« La filière est hyperfragmentée, avec des acteurs et des secteurs qui fonctionnent en silo au lieu de travailler ensemble sur les questions d’innovation industrielle et numérique, de formation aux nouveaux métiers, d’outils de financement, de smart city », analyse M. Lhermitte. Un chantier collectif qui, en plus de séduire les jeunes diplômés, aurait un effet démultiplicateur sur l’emploi : « Ensemble, les acteurs français seraient plus forts pour exporter le modèle de la ville et de l’immobilier à la française, là où les Anglo-saxons et les Allemands sont mieux organisés aujourd’hui, estime-t-il. Et ils auraient plus d’arguments pour attirer de gros investisseurs étrangers dans l’Hexagone. »