Armes aux Etats-Unis : la presse américaine discerne un espoir de changement
Armes aux Etats-Unis : la presse américaine discerne un espoir de changement
Le combat pour une réforme de la vente et du port d’armes est aujourd’hui mené par la jeunesse. Une partie de la presse américaine veut y voir un symbole d’espoir.
Des jeunes américains manifestent, à Fort Lauderdale, en Floride. / JONATHAN DRAKE / REUTERS
Le débat sur la vente d’armes aux Etats-Unis, rouvert après la tuerie de Parkland, qui a fait dix-sept morts dans un lycée de Floride le 14 février, aurait pu s’arrêter au bout de quelques jours. Comme cela a, généralement, été le cas après des drames similaires ces dernières années. Pourtant, plus d’une semaine après la fusillade, la presse américaine s’interroge : « Sommes-nous à un tournant sur le contrôle des armes feu ? »
Les images des jeunes survivants et proches des victimes en larmes, à Fort Lauderdale, et scandant « no more guns! » (« plus d’armes à feu ! ») illustrent tous les articles de la presse américaine cette semaine. Cette fois-ci, après une fusillade qui a frappé un lycée aisé, c’est la jeune génération américaine qui mène le combat pour éviter un nouveau drame. « Les lycéens de Parkland disent ce que les politiciens ne diront jamais », titre Teen Vogue, magazine qui a pris une nouvelle tournure politique remarquée depuis l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche.
Une génération qui a grandi avec ces fusillades
« Presque immédiatement après la fusillade, les survivants du drame sont allés sur les réseaux sociaux pour fustiger les réactions prévisibles et insuffisantes des responsables politiques », juge la rédactrice en chef adjointe De Elizabeth. La jeunesse américaine milite sur le sujet depuis des années, rappelle Teen Vogue. « Après la tuerie de Sandy Hook, quatre adolescents ont créé le groupe Teens Against Gun violence [adolescents contre la violence par armes à feu] », souligne le magazine.
Des survivants du lycée frappé, derrière le mouvement #NeverAgain (#PlusJamais), ont appelé à une grande marche (March for Our Lives), et ont récolté plus de 3,7 millions de dollars à cet effet.
L’indignation « ne vient pas des suspects habituels, des défenseurs du contrôle des armes qui avaient besoin d’une nouvelle fusillade pour développer leurs arguments et être ignorés une énième fois », avance le Baltimore Sun dans son éditorial. Cette génération, poursuit le magazine, a grandi avec les tueries, récurrentes dans les écoles, et son militantisme est aujourd’hui celui du deuil et du ras-le-bol.
Le New York Times ne dit pas autre chose, dans son éditorial du 20 février :
« Ces enfants en ont assez. Ils en ont assez des expressions de sympathie vides dans la foulée de toutes les atrocités avec lesquelles ils ont grandi. Assez des pensées et des prières rituelles pour les victimes. Assez de vivre dans la peur d’être les prochains dans le viseur d’un tueur perturbé et bien armé. »
Une routine « affreusement familière »
La situation politique est-elle vraiment différente des précédentes fusillades ? « La routine choc-colère-frustration des fusillades nous est affreusement familière. Nous la répétons sans cesse depuis la tuerie de l’école élémentaire de Sandy Hook, en 2012 », raconte le site américain Vox, qui déplore un blocage politique à chaque proposition de loi pour renforcer le contrôle des armes, et notamment des fusils d’assaut, en raison de l’influence au Congrès de la National Rifle Association (NRA), le lobby des fabricants d’armes.
Les banlieues aisées comme Parkland, qui peuvent être inquiétées et sensibilisées après ce drame, représentent une population importante électoralement, surtout dans un Etat clé comme la Floride, relève Vox. Reste un adversaire de taille, poursuit le magazine américain, c’est la NRA. « En devenant de plus en plus une simple composante du Parti républicain, et en dérivant vers des positions de plus en plus extrêmes, elle est devenue plus faible », espère toutefois Vox.
Dans les journaux de Floride, l’urgence d’un débat est présente dans tous les éditoriaux. John Romano, chroniqueur pour le Tampa Bay Times, argumente ainsi pour une interdiction des fusils d’assaut, tels l’AR-15, une arme au cœur de tous les débats :
« A un moment dans notre histoire, nous avons laissé le lobby des armes nous convaincre qu’il était anti-américain de mettre des limites à notre capacité à tirer vite et de façon répétée. La vérité, c’est qu’interdire un fusil d’assaut n’est pas une atteinte au deuxième amendement. C’est décider où l’on place la limite entre la légitime défense ou la chasse et des armes de destruction militaire. »
Le deuxième amendement de la Constitution américaine, qui garantit aux citoyens le droit de posséder une arme afin de se protéger, et le lobbying de la NRA ont toujours constitué un puissant frein à une réforme pour plus de contrôle sur la vente et la possession d’une arme. Plus de cent lois sur le port d’arme ont été proposées au Congrès entre 2011 et 2016, mais aucune n’a été votée avec succès.
L’espoir du Baltimore Sun reste toutefois mince : « Aucune personne ayant observé le Congrès au cours des dernières décennies ne donnera ses chances à une réforme de la vente d’armes », juge le quotidien. « Peut-être », que « la peine, la fureur, le deuil, vont s’estomper ». « Mais peut-être pas cette fois. »
Floride : la mobilisation des lycéens contre les armes, de Parkland à Tallahassee