Documentaire sur France 3 à 23 h 20

Les nouvelles recrues de la Cour des comptes s'entraînent à prêter serment pour l'Audience solennelle de 2017. / CAT ET CIE

Institution respectable et redoutée, fondée par Napoléon Bonaparte en 1807, la Cour des comptes a pour mission première d’informer les citoyens sur l’utilisation des deniers de l’Etat. « L’objectif est d’améliorer l’efficacité de l’action publique », résume Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, en poste depuis 2008.

En cas d’irrégularités ou de malversations, le pouvoir de sanction de la Cour concerne les administrations et les organismes recevant de l’argent public. « Plein soleil sur les comptes, coup de projecteur sur les cochoncetés, mise à l’ombre des coquins », synthétise Gilles Johanet, procureur général. Dans ses rapports, la juridiction financière dénonce la mauvaise gestion, les abus, les détournements. Elle conseille aussi, sanctionne parfois.

Longtemps fermée sur elle-même, la Cour est devenue beaucoup plus visible dans l’espace public sous l’impulsion de ses trois derniers présidents : Pierre Joxe, Philippe Séguin et Didier Migaud. Le plus étonnant réside dans le décalage entre la publicité faite autour de ses investigations et la confidentialité de ses travaux. L’intérêt de ce documentaire est justement de montrer comment travaillent ces magistrats financiers de haut vol. Comment se déroulent leurs enquêtes.

Travail fastidieux

Pendant six mois, Delphine Lopez s’est vu ouvrir des portes habituellement closes et a pu suivre les différentes étapes aboutissant à la publication d’un rapport. Du travail fastidieux pour éplucher des tonnes de documents chiffrés jusqu’aux contrôles sur le terrain, des rendez-vous dans les administrations concernées jusqu’aux réunions confidentielles au sein du palais Cambon, siège historique de la Cour des comptes, situé près du Palais-Royal, la caméra suit de près les jeunes auditeurs, tout juste diplômés de l’ENA, mais aussi leurs supérieurs hiérarchiques.

A travers la première mission du jeune Alsacien Florian Bosser, 27 ans, sorti parmi les meilleurs de sa promotion à l’ENA, également diplômé de Sciences Po et de HEC et auditeur durant quatre ans de la Cour, le documentaire prend de l’épaisseur, injectant de l’humain dans un univers technocratique.

« La Cour des comptes, les shérifs de l’argent public », de Delphine Lopez. / CAT ET CIE

Pour sa première mission, Florian est gâté. Il y a une dizaine d’années, deux services de la gigantesque administration fiscale ont fusionné : celui qui calculait les impôts et celui qui les collectait.

Le jeune auditeur, aidé par deux magistrats plus expérimentés de la Cour des comptes, doit mesurer l’efficacité de l’administration qui gère les impôts et proposer des pistes pour faire des économies. Pour cela, il devra éplucher des tonnes de données budgétaires, visiter des centres des impôts à travers le pays, rencontrer des responsables, dont le numéro deux de la direction générale des finances publiques à Bercy.

Autour de la table, la réunion entre les magistrats financiers et le responsable de Bercy est un moment fort du documentaire. Derrière les sourires, on sent poindre l’agacement des uns et des autres. Formés à la même école, contrôleurs et contrôlés parlent la même langue. Mais ne tombent pas forcément d’accord. Florian Bosser va enquêter durant trois mois, avant de rendre un rapport mesuré à ses supérieurs. Qui lui demanderont de compléter sa copie. C’est le métier qui rentre.

La Cour des comptes, les shérifs de l’argent public, de Delphine Lopez (France, 2018, 55 min).