Capture d’écran de la vidéo publiée sur Facebook par les avocats du barreau du Havre, le 27 février. / Capture d'écran Facebook

Si vous n’avez rien compris à la réforme de la justice de proximité qui se trame, c’est peut-être que vous avez mal lu Lemonde.fr. Mais pas de soucis, les avocats du barreau du Havre (Seine-Maritime) ont bien saisi votre incompréhension : ils ont choisi d’être clairs dans leur argumentaire grâce à une vidéo postée, mardi 27 février, sur Facebook. Dans celle-ci, vêtu(e) s de leurs robes d’avocat(e) s, ils refont à leur sauce une parodie de la chanson Basique du rappeur français Orelsan en détournant ses paroles.

Intitulée Réforme de la justice ? Revoyons les bases !, leur courte vidéo — à peine plus d’une minute — a été visionnée plus de 250 000 fois et partagée plus de 4 600 fois en l’espace de vingt-quatre heures… alors que la page Facebook sur laquelle elle a été postée totalise environ 828 fans.

Singeant le clip de celui qui a tout raflé aux dernières Victoires de la musique, en vrai faux plan séquence et travelling arrière, maître Etienne Lejeune marche d’un pas assuré, alors qu’apparaît le tribunal de grande instance du Havre derrière lui. Sur « l’instru » du compositeur, producteur, et beatmaker Skread, l’homme s’adresse face caméra :

« Ok, je vais parler de la réforme de la justice, mais avant, faut qu’on revoie les bases.
Je vais faire un discours simple, ou je vais dire des choses simples.
Parce qu’ils ne vous disent pas la vérité.
Simple, basique. »

Les connaisseurs d’Aurélien Cotentin — le nom à l’état-civil d’Orelsan — noteront que l’avocat a fait l’impasse sur cette strophe de justification : « Parce que vous êtes trop cons », mais passons.

Il poursuit, armé de son mégaphone, et rejoint par ses confrères et consœurs, qui marchent au pas militaire, comme dans le clip.

« La justice doit être à côté de chez toi, sinon elle te sert à rien (simple).
Trois Blablacar pour aller à ton procès, tu t’es fait balader (basique).
On veut de la justice de proximité, pas de la justice au rabais (simple).
Quand je pense qu’il faut attendre plus d’une année, pour qu’une affaire soit jugée (basique).
Combien de saisons de “The Voice” à mater avant que le juge n’ait décidé (simple).
Laura [Smet] et David [Hallyday] vont devoir patienter, ils sont pas prêts d’hériter (basique).
On veut être jugé par des femmes d’honneur, pas par des ordinateurs (simple).
Je préfère être relaxé devant un juge, pas prendre du ferme devant un écran. »

Arrive alors un homme portant un costume avec cravate et arborant le masque du président de la République, Emmanuel Macron, ainsi qu’un refrain coup de poing :

« Cette réforme c’est de la poudre de perlinpinpin, on va y mettre un point.
Manu, t’as pas les bases,
Manu t’as pas les bases. »

Selon nos confrères de France Bleu Normandie, les avocats havrais ont tourné la vidéo en une heure et demie, « en deux prises seulement », vendredi 23 février, « aidé par un cameraman professionnel ».

« Si on avait fait une conférence de presse sur les marches du palais, on aurait eu cinq ou six personnes dehors », estime l’acteur principal de cette vidéo, Me Lejeune.

« Au travers de l’humour, on peut plus facilement marquer les esprits », explique Me Elisa Haussetête, présidente de l’union des jeunes avocats qui a eu l’idée de cette vidéo. Comme le rappelle le site Actu.fr, d’autres avocats, ceux de Rouen, avaient eux aussi compris l’utilité de créer de l’émulation sur les réseaux sociaux pour défendre leurs intérêts.

Ils s’étaient mobilisés contre la réforme de Christiane Taubira sur l’aide juridictionnelle, en octobre 2015, en parodiant les personnages de Canal+, « Catherine et Liliane ». Ils avaient ainsi totalisé plus de 50 000 vues sur YouTube.

Malgré la promesse, réitérée mardi 13 février à l’Assemblée nationale par la ministre de la justice, Nicole Belloubet, de « ne fermer aucune juridiction », les avocats se mobilisent aujourd’hui car ils craignent pour le « maillage territorial ».

Le futur tribunal de proximité, qui réunira les compétences du tribunal d’instance et certaines aujourd’hui dévolues au tribunal de grande instance, fait craindre aux professionnels qu’il soit un outil pour aspirer l’activité judiciaire vers les métropoles.

Basique, simple, vous avez désormais les bases.