L’équipe de France fait front contre la réforme de la Coupe Davis annoncée par l’ITF. / Christophe Ena / AP

La France a-t-elle remporté en novembre l’une des dernières éditions de la Coupe Davis ? Si le nom de la compétition de tennis par équipes, emprunté à son créateur Dwight Davis (Etats-Unis), survivra à la réforme préparée par la Fédération internationale (ITF), le format de la course au saladier d’argent risque lui de subir un sacré lifting. Une révolution qui, à peine annoncée, divise déjà le circuit.

Dernières originalités d’un calendrier rythmé par une pléiade de tournois organisés sans discontinuer de janvier à novembre, les quatre week-ends annuels de Coupe Davis risquent de ne pas survivre à 2018.

En lieu et place des rencontres délocalisées chez l’une des deux équipes, l’ITF propose une épreuve d’une semaine mettant aux prises dix-huit nations en un même lieu, chaque mois de novembre. Les équipes, composées de quatre joueurs, s’affronteraient lors de trois matchs (deux simples, un double) au meilleur des trois manches. Fini donc le suspense d’un cinquième set du match décisif.

« Une peine de mort »

Une mini-Coupe du monde de tennis, dotée d’une bourse de vingt millions de dollars, pour redynamiser un trophée déserté par les meilleurs depuis plusieurs années ?

« C’est une peine de mort pour la Coupe Davis, a réagi Lucas Pouille, numéro un français et quinzième joueur mondial. Quand vous ne jouez pas à la maison, ou dans le pays adverse, ce n’est plus la même compétition. Tous ceux qui ont vécu un match de Coupe Davis savent que c’est différent. Je pense que c’est une très mauvaise idée. »

Premier joueur à s’exprimer publiquement — et aussi franchement — sur la refonte présentée par l’ITF, « la Pouille » a été rejoint par son capitaine, Yannick Noah. S’il ne sera pas affecté par un éventuel changement de format, ayant déjà prévu de lâcher les rênes de l’équipe de France à l’issue de cette saison, l’ancien vainqueur de Roland-Garros a fait part de sa « tristesse » sur Twitter : « Ils ont vendu l’âme d’une épreuve historique. Sorry mister Davis. »

Si les Français comptent parmi les premiers pourfendeurs de la nouvelle version de la compétition centenaire, le président de la fédération nationale, Bernard Giudicelli, reste pour le moment mutique. Le Marseillais, qui dirige par ailleurs le comité directeur de la Coupe Davis à l’ITF, s’était pourtant prononcé pour une réforme bien différente de celle annoncée par l’instance, en janvier, dans La Nouvelle République :

« Je ne souhaitais pas aboutir à un concept mortifère, comme une finale neutre, ou même une épreuve regroupée sur une courte période dans le calendrier. Nous devons veiller à ne pas couper le lien entre cette épreuve et son public, partout dans le monde. »

Le président de la fédération française n’a pas encore pris position en vue de l’assemblée générale de l’ITF, prévue du 13 au 16 août à Orlando (Etats-Unis). Le changement de format de la Coupe Davis requiert l’approbation des deux tiers des pays habilités. L’Allemagne et la Belgique se sont déjà prononcées contre le projet de réforme.

La France face aux poids lourds du tennis ?

D’autres, comme la Suisse, y voient au contraire l’occasion de sauver une compétition qui ne fait plus recette. « Il n’y a que quatre ou cinq équipes au monde pour lesquelles la Coupe Davis est intéressante, financièrement, a expliqué à L’Equipe René Stammbach, président de la fédération helvétique. J’entends combien les Français sont contre. Mais sur les 212 pays de l’ITF, trouvez-moi 10 % de joueurs qui disent la même chose qu’eux ! »

Rafael Nadal, Andy Murray et Novak Djokovic auraient appuyé en faveur de la réforme. Des soutiens de poids dont l’impact médiatique et financier depuis près d’une dizaine d’années pourrait se révéler décisif à l’orée du vote final.

Certaines têtes d’affiche du circuit réclament en effet depuis plusieurs saisons la refonte d’une compétition qu’ils ont pour la plupart désertée, victime d’un calendrier déjà bouché. D’aucuns y verront la volonté d’optimiser la visibilité du saladier d’argent et ainsi de maximiser les revenus distribués aux joueurs. Ces derniers pourraient aussi profiter de la libération des dates aujourd’hui réservées à la Coupe Davis pour disputer de juteuses exhibitions.

Durant les cinq prochains mois de lobbying, l’ITF pourra compter sur l’aide de Gérard Piqué pour faire pencher la balance lors de son assemblée générale. Le défenseur du FC Barcelone et de la sélection espagnole est le fondateur de la société Kosmos, chargée par l’instance mondiale du tennis de réfléchir au futur de la Coupe Davis.

Le groupe, dans lequel le Catalan est associé à Hiroshi Mikitani — PDG du puissant groupe électronique japonais Rakuten —, pourrait investir près de trois milliards de dollars en vingt-cinq ans si la réforme est entérinée en août.