Le travail d’intérêt général, sanction à part entière
Le travail d’intérêt général, sanction à part entière
Par Jean-Baptiste Jacquin
Un rapport remis à Emmanuel Macron préconise d’augmenter le nombre d’heures à 500 au maximum contre 280 actuellement.
Le président Emmanuel Macron et la ministre de la justice, Nicole Belloubet, lors d’une visite de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, le 6 mars à Agen. / MEHDI FEDOUACH / AFP
La volonté du président de la République de développer le travail d’intérêt général (TIG) comme sanction pénale en tant que telle illustre la philosophie de la peine qu’il entend porter avec la réforme à venir. Mardi 6 mars, en déplacement à Agen, il a salué les mesures proposées par la mission confiée à Didier Paris, député LRM de la Côte-d’Or, et David Layani, président fondateur de la société de conseil en transformation numérique Onepoint. Leur rapport publié, mardi soir, « est un bon rapport, il sera donc appliqué » a déclaré M. Macron
L’objectif est de changer d’échelle dans la mise en œuvre de la sanction de travail d’intérêt général. Selon MM. Layani et Paris, elle « apparaît, clairement, comme une peine moderne, efficace, économique et pragmatique qui répond à l’ensemble des critères de la loi et fait l’objet, dans son principe, d’une parfaite unanimité ». Le code pénal précise : « Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° de sanctionner l’auteur de l’infraction ; 2° de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »
Malgré les vertus dont est paré le TIG, il n’est décidé qu’en substitution d’une peine de prison, en sursis à une incarcération ou en aménagement de peine. 36 428 mesures de TIG ont été prononcées en 2016 par des juges, soit 6 % des sanctions pénales. Pour MM. Layani et Paris, il faut à la fois débloquer l’offre des TIG et les cas où les juges peuvent l’ordonner.
C’est le pari d’une double révolution culturelle. D’abord des magistrats, jugés frileux. Mais également au sein de l’opinion afin que le TIG soit perçu comme sanction à part entière, et non pas comme une « fausse » peine. Décidé en tant que peine autonome, le TIG devra pouvoir concerner un plus grand nombre d’infractions, celles passibles d’une peine prison allant jusqu’à un an, contre six mois actuellement.
Les auteurs préconisent également qu’il puisse être mis en place dans le cadre des aménagements de fin de peine, afin d’éviter les sorties sèches. Une sorte de sas pour aider à la réinsertion avant le retour sans filet dans le bain de la société.
Faible taux d’échec
Pour améliorer la perception sociétale de la peine, deux pistes sont évoquées. D’abord, alourdir la peine dont la durée moyenne appliquée est de 85 à 110 heures. La durée de ce travail non rémunéré pour le bénéfice de la collectivité devrait être portée à un maximum de 500 heures, contre 280 actuellement. D’autre part, la non-exécution d’un TIG pourrait être sanctionnée plus sévèrement, par une peine de prison dont le quantum dépendra de l’infraction de départ, et non du nombre d’heures de TIG non effectuées.
Sur ce point, le taux d’échec est aujourd’hui relativement faible. Actuellement de 20 %, il s’explique environ pour moitié par le non-respect de leurs obligations par des condamnés, et pour moitié par le fait qu’aucun travail adapté n’a été trouvé.
C’est l’objet de l’agence nationale du TIG qui va être créée et de la plate-forme numérique censée faciliter le recensement des offres d’un point de vue quantitatif et qualitatif, afin que chaque mission soit adaptée à la personne condamnée. Pour élargir le nombre de postes disponibles, le rapport Layani-Paris propose de mettre en place des incitations afin que les collectivités territoriales et administrations publiques intègrent l’offre de TIG dans leurs obligations.
L’une des suggestions qui ne manquera pas de susciter le débat est de permettre aux entreprises du secteur marchand de proposer des TIG, sous réserve d’un contrôle public. Car il ne faudrait pas que cela soit pour exploiter une main-d’œuvre bon marché. Séduit par cette piste, le chef de l’Etat a prévenu mardi qu’il comptait réunir à l’Elysée les chefs d’entreprises qui s’engageraient à développer les TIG.