« Nous voulons être la banque privée du XXIe siècle »
« Nous voulons être la banque privée du XXIe siècle »
LE MONDE ARGENT
Si le numérique fut longtemps presque un gros mot pour de nombreuses banques privées, il constitue l’ADN des jeunes pousses de l’investissement financier, comme Nalo. Entretien avec Albert d’Anthoüard, son directeur de la clientèle privée.
Albert d’Anthoüard, ex-banquier privé devenu directeur de la clientèle privée chez Nalo, un robot-conseiller lancé fin 2017. / Nalo
Entretien. La banque privée rejoindra-t-elle bientôt la liste des produits et services de luxe rendus accessibles au plus grand nombre par la technologie ? C’est le pari d’une série d’acteurs émergents qui misent sur les algorithmes pour mettre les performances financières à la portée de tous. Albert d’Anthoüard, ex-banquier privé devenu directeur de la clientèle privée chez Nalo, un robot-conseiller lancé fin 2017, nous explique la stratégie de ce nouveau venu dans ce monde très feutré.
Que propose Nalo ?
Albert d’Anthoüard. - Nous basons l’investissement de chaque client sur ses projets concrets en organisant son épargne par objectifs (études des enfants, retraite, etc.), au sein d’un même compte. Nous nous concentrons pour l’instant sur l’assurance-vie mais avons vocation à proposer d’autres supports. La souscription intervient 100 % en ligne et nos algorithmes calculent la répartition idéale du capital entre les actifs (fonds indiciels en actions et obligations, et fonds euros), à partir des informations fournies par l’investisseur sur son patrimoine et ses projets, et du contexte financier. S’il le veut, il peut discuter avec un conseiller.
Tous les paramètres renseignés personnalisent à l’extrême l’investissement. Grâce à la technologie, notre allocation est totalement sur mesure, pour tout montant placé et à prix bas : nos frais totaux s’élèvent à 1,65 %, pour 10 000 euros comme pour un million. Pour obtenir ce 1,65 % en banque privée, il faudrait être très aisé…
Pour les établissements historiques, aux processus non encore dématérialisés, respecter les nouvelles réglementations en matière de traçabilité et de transparence coûte cher. Afin de continuer à être rentable, ils doivent gérer les actifs de leurs clients dans des profils de plus en plus génériques, en augmentant souvent leur tarification. Nous empruntons le chemin inverse.
Nalo se positionne comme concurrent des banques privées, attirez-vous la clientèle haut de gamme ?
Parmi nos souscripteurs, certains pourraient tout à fait être clients de banques privées ou l’ont été. D’autres le sont encore, d’ailleurs, à cause de l’impossibilité de transférer leur assurance-vie. Notre offre étant récente, nous ne communiquons pas sur nos chiffres mais nous avons de beaux contrats, de plusieurs centaines de milliers, voire quelques millions d’euros.
Surtout, nous voulons être la banque privée du XXIe siècle, nous sommes l’avenir de la gestion privée. Ces établissements n’ont pas remarqué que les usages avaient changé, que les fauteuils clubs des agences ne parlaient plus. Ils n’imaginent pas qu’un client avec plusieurs millions à placer puisse se tourner vers la fintech. Dans un de mes anciens établissements, on m’a déjà dit : “Ayez de moins beaux fauteuils mais de meilleures performances et à moindres frais”. Et ces réflexions n’émanent pas que des jeunes. Nous avons des clients de tous âges.
Outre la gestion financière, comptez-vous offrir les autres services des banques privées ?
Pour la banque du quotidien, s’appuyer sur des acteurs existants est envisageable. Concernant l’ingénierie patrimoniale, c’est-à-dire les conseils fiscaux ou juridiques, la réflexion n’est pas tranchée car elle engendre des coûts élevés. Que les établissements historiques font porter à l’ensemble de leurs clients, alors que seuls les plus fortunés y ont accès.
Certains relèvent d’ailleurs leurs seuils d’accès à cette ingénierie patrimoniale pour limiter les coûts et faire face aux dépenses imposées par les nouvelles réglementations. Mieux vaut à mon sens être clair sur ce qu’on propose. Nous réfléchissons à ces services, mais voulons éviter de faire supporter le coût à tous nos clients.
Pour la fourniture de crédit ou de produits d’investissements non financiers, nombre d’acteurs exercent ces métiers avec brio et nous travaillons avec eux. Pour nos clients premium (à partir de 250 000 euros), nous dépoussiérons toutes ces questions ensemble et les orientons vers des spécialistes – notaire, avocat, prêteur, expert en art ou en immobilier, etc. Nos outils nous permettant d’être rapides sur le « profilage » du client et l’allocation d’actifs, nous pouvons orienter directement nos discussions vers les problématiques familiales.
Donnerez-vous, comme les banques privées, le choix du mode de gestion ?
Nous proposons uniquement la gestion sous mandat – le client délègue le pilotage de son portefeuille. La gestion libre (le client communique ses ordres) n’a pas d’intérêt car elle ne permet plus aucun conseil dans le nouvel environnement réglementaire. De même pour la gestion conseillée (le client est conseillé mais décide), devenue ultra-complexe, chaque recommandation devant être documentée à un niveau incroyable. Elle concerne à mon sens une minorité de clients, qui a le temps et que cela amuse. Les habitués savent à quel point c’est chronophage et qu’ils ne feront pas mieux qu’une gestion sous mandat.